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Juste pour dire que pourdir existe toujours

jeudi 16 décembre 2004, par Kriegel, Sibylle

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Pourdir [1] en tant que complémentiseur en créole seychellois, donc dans la fonction de que français, paraît, à première vue, exotique et le lien avec la langue matrice ne semble pas être évident. La question de la simple existence de ce tour et encore plus son interprétation exacte a déjà suscité des discussions dans les milieux de la créolistique sans qu’une véritable analyse de corpus ne s’en soit suivie. Robert Chaudenson (2003 : 380ss.) retrace brièvement l’histoire de cette discussion et je n’en reprendrai ici que les points qui touchent directement à mon argumentation. Dans la contribution présente, j’essaierai de montrer à partir d’une analyse de corpus

1. que malgré sa rareté, pourdir [2] complémentiseur existe bel et bien ;
2. qu’il ne s’agit pas d’une sérialisation (voir aussi Chaudenson 2003 : 380) comme il a été suggéré dans le passé (voir surtout Bickerton 1989 : 162) ;
3. qu’il s’agit d’un cas classique de convergence (voir Bollée 1982).

1. Les différentes valeurs de pou(r) en créole seychellois

Pour commencer, rappelons brièvement les différentes valeurs de pou(r), le premier élément du tour, en créole seychellois. Ceci nous permettra d’apporter des précisions concernant le point 2 de notre hypothèse. Le deuxième élément dir possède une valeur nettement verbale et ne nécessite pas une analyse plus approfondie.
Grosso modo, pou(r) assume toutes les fonctions de la préposition française pour ainsi que quelques « nouvelles » fonctions déjà présentes dans certaines variétés de français [3]. Sans revenir sur les fonctions équivalentes à pour français, j’énumérerai brièvement les emplois novateurs les plus courants :
- Dans beaucoup de créoles et en créole seychellois en particulier pou peut être marqueur du futur/ de mode. En seychellois, il se trouve en concurrence avec un futur dérivé de aller français, sous les formes ava, va ou a.

(1)

dokter i a dir mwan, be be mon a
Docteur 3SG FUT dire 1SG/OBJ, ben 1SG FUT
donn ou pansyon ou pa pou kapab al ankor.
donner 2SG/OBJ pension 2SG NEG FUT AUX aller encore

« (…) le docteur m’a dit [me dira, SK], ben, je vais vous donner la pension, vous ne pourrez plus y aller. »
(Bollée & Rosalie 1994 : 16/7)

Baker (1993b : 94s.) résume les positions divergentes prises dans les travaux sur le seychellois concernant la nuance sémantique exprimée par les deux lexèmes. Je me suis limitée, jusqu’à présent, à faire une analyse purement quantitative du corpus oral de Bollée & Rosalie (1994) qui m’a permis de constater une fréquence à peu près égale pour les deux formes en seychellois. Ce corpus reflète certainement un état de langue plutôt conservateur, voire déjà révolu (voir ci-dessous). Selon mes informateurs, selon l’analyse de mes corpus écrits ainsi que selon les corpus analysés par Baker (1993b) pou serait en nette progression par rapport à a(va). En mauricien, créole très proche du seychellois, pou semblerait, progressivement, aussi l’emporter sur va (voir Baker 1993b ; Hazaël-Massieux, Guy 1993 ; Touchard & Véronique 1993). Mais il est inutile de rentrer dans les détails parce que l’emploi de pou comme marque de futur n’est nullement à la base du tour pourdir, objet de notre analyse. Je renvoie à l’argumentation de Seuren (1990 : 288) en réaction à Bickerton (1989 : 162). Ce dernier soutient que l’origine du tour pourdir serait pou marque du futur/ de l’irréel plus dir. Partant de cette hypothèse, il analyse pourdir comme sérialisation verbale. Corne (dans Baker & Corne 1982 : 119) ainsi que plus tard Holm & al. (1999) émettent, eux aussi, l’hypothèse qu’il s’agirait d’une sérialisation sans pour autant présenter une analyse de la fonction de pour. Je ne reprends pas cette discussion qui n’a pas d’impact sur notre propos. Tout comme Seuren (1990 : 288) et récemment Chaudenson (2003 : 380s.) (qui cite Michaelis, communication personnelle), je pense que cette hypothèse est basée sur une analyse erronée du premier élément du tour (pour des éléments d’explication supplémentaires, voir ci-dessous). Après ce premier constat, voyons les autres emplois innovateurs de pou(r) en seychellois :
- Pour remplit en partie les fonctions du connecteur final pour que du français. Le degré réduit de « finitude » (Finitheit, finiteness) du verbe suivant pour est illustré par la présence du pronom objet li (et non pas i, pronom sujet) (concernant le créole seychellois voir Michaelis 1994).

(2)

Pourvi li i for. En. Pour li fer son louvraz, son lafors.
    Pour 3SG/OBJ faire POSS ouvrage POSS force

« Pourvu qu’il soit fort. Hein. Pour qu’il fasse son travail, [pour qu’il gagne] sa force. »
(Bollée & Rosalie 1994 : 80/1)

- Troisièmement, il faut signaler un emploi qui s’éloigne du français : il existe des contextes dans lesquels pour marqueur final perd sa valeur finale et devient un signe de subordination pour des formes verbales non finies. Pour se grammaticalise et devient une sorte de marque de l’infinitif :

(3)

Alor i pa realis pourenpoz en limit letan.
Alors 3SG pas réaliste pour imposer ART limite temps
(Michaelis 1994 : 148)

« Alors il n’est pas réaliste d’imposer une limite de temps. »

Il s’agit d’une voie de grammaticalisation universelle décrite dans Michaelis (1994 : 149) pour le créole seychellois et dans une perspective typologique dans Haspelmath (1989).

2. Pourdir : les données

2.1. Pourdir syntagme de modalisation

Passons à pourdir, une évolution tout à fait novatrice et pas très française : Il s’agit d’une lexicalisation qui s’est produite notamment en créole guadeloupéen et en créole seychellois. Ainsi, une entrée séparée est réservée à ce nouveau lexème dans Ludwig & al. (éd. 2002), dictionnaire du créole guadeloupéen, où on trouve poudi « c’est le cas de dire ».
Dans le dictionnaire du créole seychellois de de St Jorre & Lionnet (1999 : 240), pourdir paraît sous deux entrées différentes. Sous pour, on trouve, écrit en deux mots, l’emploi pour dir – "à peine", illustré par l’exemple suivant

(4)
I manze zis pour dir.

« Il mange à peine ».

Dans une enquête effectuée en 2003 aux Seychelles, les locuteurs interviewés ont confirmé l’existence de l’expression tout en proposant plutôt la variante : « Zis pour dir i manze » - He is eating just for the sake of it. ». Chaudenson (2003 et communication personnelle) ainsi que certains locuteurs du créole seychellois que j’ai pu interviewer ont rapproché pour dir de l’expression française pour ainsi dire. Il existe effectivement des variétés de français dans lesquelles pour dire remplace pour ainsi dire comme c’est p.ex. le cas dans le dictionnaire nord-américain de la langue française de Bélisle (1979 : 754) où on apprend que pour dire serait un canadianisme de la langue familière et folklorique qui se traduirait par « pour ainsi dire, si je puis m’exprimer ainsi ».
On peut accorder à ce type d’expression une valeur modalisatrice [4]. Le locuteur donne son estimation du fait rapporté ou bien il ne veut pas être envahissant, il ne veut pas s’imposer. Certains grammairiens (p.ex. Engel 1988 : 227ss.) comptent des expressions de ce type (l’équivalent allemand serait ici sozusagen) parmi les particules « existimatoires » (existimatorische Angaben), plus exactement parmi les particules « cautives » (< latin cautio-’précaution’, kautive Angaben) que le locuteur utiliserait dans le but de prendre ses précautions concernant la véracité de ce qu’il dit.
Deux exemples trouvés dans le corpus oral de Ludwig & al. (2001) vont dans le même sens  [5].

(5)

M [me pourdir fer en louvraz metye non
  mais pour dire faire ART ouvrage métier non
(Ludwig & al. 2001 : 259)

« M : (….), mais on ne peut pas dire que j’exerçais un métier à proprement parler. »
(Ludwig & al. 2001 : 273)

(6)

M [zot sas lii zwenn/ pour dir i tyonbo li non
  3Pl chasser 3SG/OBJ TMA joindrepour dire TMA tenir 3SG/OBJ non
(Ludwig & al. 2001 : 269)

« M : Ils ont cherché à l’attraper, mais dire qu’ils auraient réussi, non, vous voyez ? »
(Ludwig & al. 2001 : 282)

Dans ces exemples extrêmement basilectaux, pourdir sert d’élément de modalisation. Le locuteur fait une hypothèse mais précise aussitôt qu’il faut modaliser cette hypothèse (voir (5)), ou la réfuter carrément (voir (6)). La présence de « non » dans les exemples (5) et (6) est tout à fait révélatrice. On pourrait, dans des registres très oraux du français traduire presque littéralement :

(5)’ mais pour dire que je faisais un métier, non !
(6)’ ils ont cherché à l’attraper/pour dire (qu’) ils l’ont attrapé, non !

La traduction dans Ludwig & al. (2001) qui s’éloigne de la version seychelloise donne une paraphrase avec dire en verbe d’introduction suivi d’une construction de subordination introduite par que.
Sans nous engager dans une analyse syntaxique détaillée de ces énoncés oraux, nous pensons qu’ils illustrent parfaitement une étape intermédiaire dans l’évolution d’une simple marque pragmatique de modalisation à une marque de complémentisation.

2.2. Pourdir complémentiseur

Notamment dans les exemples (5) et (6), la proximité pragmatique avec des contextes de discours rapporté est évidente et il ne semble donc pas étonnant que pourdir ait connu l’évolution ultérieure suivante en seychellois : Sous l’entrée poudir, écrit en un seul mot cette fois-ci, de St Jorre & Lionnet (1999 : 239) indiquent poudir - conjonction de subordination, et comme illustration ils donnent l’exemple suivant :

(7)

Mon pou dir manman poudir ou’n sov lekol.
1S FUT dire maman COMP 2S PERF sauver école

« Je dirai à maman que tu as fait l’école buissonnière. »
(de St Jorre & Lionnet 1999 : 239)

Dans des contextes spécifiques, pourdir peut donc introduire des complétives. Cette évolution est unique parmi les créoles à base française de l’océan Indien, voire parmi les créoles français en général. Il est intéressant de constater que le créole guadeloupéen qui connaît, tout comme le créole seychellois, une expression du type pourdir à valeur pragmatique de modalisation (voir ci-dessus) ne connaîtrait, en revanche, pas pourdir au sens d’un complémentiseur (Hector Poullet, communication personnelle). L’existence de pourdir dans la fonction d’un complémentiseur en seychellois a d’abord été notée par Annegret Bollée (1977 : 84) qui écrit :

« Nous avons relevé assez souvent le tour pu dir avec la valeur de ’que’ »

et qui en donne deux exemples de complétives avec le verbe dire en introduction. Quand Robert Chaudenson a attiré mon attention sur le problème, il faisait l’hypothèse que l’expression existait dans « I manze zis pou dir » (voir aussi Chaudenson 2003 : 383) mais pas comme complémentiseur. Après une recherche dans mes corpus de langue orale et écrite, comprenant différents genres textuels, j’ai repéré trente-cinq occurrences de pourdir dans des contextes de complémentisation. Ce constat appuie ma première hypothèse : même si son emploi est marginal, pourdir complémentiseur existe. Cependant, il n’y a aucune étude de corpus approfondie permettant de décrire les circonstances exactes de son emploi.
Analysons donc d’abord quelques exemples. C’est dans des textes oraux que je pense pouvoir retracer certaines régularités dans l’emploi de pourdir. Commençons par un exemple trouvé dans le corpus oral de Ludwig & al. (2001) :

(8)

M [ ler Sesel gouvernman ia krwar pour dir/
  Quand Seychelles gouvernement 3SG FUT croire COMP/
i pa la i’n boure
3SGNEG 3SG PERF bourré
(Ludwig & al. 2001 : 271)

"M : [Il s’imaginait que] quand le gouvernement seychellois aurait pensé [qu’il était là], il ne serait plus là, il se serait enfoui." (Ludwig & al. 2001 : 283/4)

Dans l’exemple (8), même si l’énoncé est interrompu après pourdir et que le complément doit être inféré du contexte (voir aussi traduction), l’énoncé contient un verbe introducteur krwar antéposé. Pourdir peut être interprété comme marque de complémentisation.

Passons maintenant aux exemples du corpus oral de Bollée & Rosalie (1994). Dans les vingt-et-un exemples relevés dans ce corpus, pourdir remplit clairement la fonction de complémentiseur. Nous n’avons pas trouvé d’autres emplois de pourdir identiques aux exemples donnés ci-dessus.
Pourdir est employé quatre fois par l’enquêteur [6]. Les dix-sept occurrences de pourdir employé par des locuteurs interviewés se répartissent seulement sur deux dialogues. Dans les cinq autres dialogues du corpus, je n’ai pas pu repérer pourdir. Ce premier constat montre déjà la relative rareté du tour et la limitation de son emploi à quelques locuteurs. Dans les deux textes où la personne interviewée se sert de pourdir à plusieurs reprises, j’ai comptabilisé tous les contextes de complémentisation. Sur un total de 18.635 mots, nous avons dix-sept occurrences de pourdir, environ soixante-cinq occurrences de Ø, donc des constructions du type

(9) sey

La en lot i dir li Ø tan lesklav.
ART autre TMA dire 3SG/OBJ  temps esclavage

« Alors un autre (lui) a dit que c’était le temps de l’esclavage. » (Bollée & Rosalie 1994 : 234/5)

extrêmement fréquentes dans tous les corpus oraux et seulement six occurrences de ki complémentiseur, un type de construction beaucoup plus fréquent dans des registres écrits. [7]
Dans les exemples avec pourdir, ce lexème suit toute une série de verbes, dans leurs formes affirmatives aussi bien que négatives. Il s’agit notamment de verbes d’énonciation : dire (4 fois), akonte (1 fois), des verbes qui concernent la croyance : kwar (5 fois, voir aussi l’exemple (8) de Ludwig & al. 2001), le savoir : konnen (4 fois) ainsi que des verbes de perception tande (3 fois), war (1 fois).

(10)

T. :Ankouri mon bliye akont ou ki nou
 Constamment 1SG oublier raconter 2SG/OBJ COMP POSS
granpye ti akont nou . pourdir Basen Ble . i kre.
grands parents PAST raconter 1SG/OBJ COMP Bassin Bleu 3SG creux

E. : Mm. - T. : Be en keksoz ki pa vre, Basen Ble i sek.

« T : Tout le temps, j’oublie de vous raconter que nos grands-parents nous ont raconté que le Bassin Bleu est profond. – E. : Mm. – T. : Mais ce n’est pas vrai, le Bassin Bleu est peu profond. » (Bollée & Rosalie 1994 : 206/7)

(11)

T. :Wi. Be dimoun lontan ti per, ti kwar
    Gens longtemps PAST peur PAST croire
pourdir i annan . en bonnfanm
COMP 3SG avoir ART bonne femme

ki apel Bonnfanm San Tet ti reste ladan, i pa vre.

« T : Ben, autrefois les gens avaient peur, ils croyaient qu’il y avait une femme qui s’appelait Bonnefemme Sans Tête qui habitait là-dedans, mais ce n’est pas vrai. » (Bollée & Rosalie 1994 : 208ss.)

(12)

E. :Zot dir koumsa pourdir baton pyondenn la,
&nbsp3Pl dire comme ça COMP bâton pignon d’Inde
bokou dimoun ti annan pour bat nanm avek ..

« E : On dit que le bâton du pignon d’Inde-là, beaucoup de gens en avaient pour battre les esprits avec… » (Bollée & Rosalie 1994 : 266/7)

(13)
Ler zot veye pa war li, al get dan son lakaz, mous pe konmans vini.

Pa konnen pourdir i pe mor . i’n mor.
NEG savoir COMP 3SG ASP mort 3SG PERF mort

« Ils l’ont attendu et comme ils ne l’ont pas vu, ils sont allés dans sa maison, les mouches commençaient déjà à venir. On ne savait pas s’il allait mourir, mais il est mort. » (Bollée & Rosalie 1994 : 258ss.)

Bien qu’on ne puisse pas retracer une régularité totale, la majorité des exemples avec pourdir, contrairement à la majorité des exemples avec complémentisation Ø, partagent une spécificité sémantique qui ressort si on analyse le contexte. Cette particularité va directement à l’encontre de l’hypothèse de Bickerton (1989 : 163) qui suggère :

« In other words, pudir could have been interpreted as strengthening the factivity of the utterance ».

Je pense que l’on a précisément le cas contraire : l’assertion est réduite. Dans les exemples donnés, le locuteur n’assume PAS ce que Heger (1976) et Raible (1983) appellent la responsabilité communicative (kommunikative Regresspflicht) de ce qui est dit. On pourrait attribuer à pourdir une valeur de marque épistémique qui renvoie à l’estimation du locuteur qui juge que la proposition est incertaine. [8]
Dans les exemples (10) et (11) le contexte qui suit immédiatement révèle que l’idée exprimée dans la phrase introduite par pourdir s’est avéré fausse : « I pa vre. » Dans l’exemple (12), il s’agit bien d’un « on dit »-« zot dir ». Il est clair que le locuteur ne connaît pas les pratiques syncrétistes d’autrefois et qu’il souhaiterait avoir des précisions de son interlocuteur au sujet des sorciers qui hantaient l’île La Digue autrefois et qui ont disparu depuis longtemps. Dans l’exemple (13) introduit par pa konnnen, donc la négation de savoir la certitude concernant la mort définitive de la personne n’est acquise qu’ultérieurement dans le texte. Dans ce contexte, ce n’est peut-être pas un hasard qu’un « mais » - qu’on ne trouve pas dans la version créole - soit ajouté dans la traduction française.
Ces faits ne paraissent pas étonnants si nous revenons au sens premier de pour (ainsi) dire que je viens d’évoquer : le locuteur émet une réserve.
Je fais donc l’hypothèse suivante : dans les textes oraux, pourdir complémentiseur n’est pas encore totalement désémantisé et la nuance de modalisation de la part du locuteur est toujours présente.
Il faut préciser que les locuteurs qui font un emploi abondant de pourdir sont des personnes âgées. Ludwig & al. (2001) précisent que le locuteur interviewé est né en 1901. Les locuteurs dans Bollée & Rosalie (1994), avaient, en 1980, 63 et 88 ans respectivement. Leur emploi de pourdir reflète certainement un emploi conservateur, voire vieilli. La désémantisation semble être plus avancée dans mes exemples de corpus de textes de conception écrite contemporains et surtout dans les enquêtes que j’ai faites en 2003 aux Seychelles. Je renvoie à l’exemple (7) qui provient du dictionnaire de De St Jorre & Lionnet (1999) ainsi qu’aux exemples (14) et (15), extraits respectivement d’un roman récent et de l’hebdomadaire The People.

(14)

Lafanmiy Rwayal ki konnen pour dir Orelis ki’n touy son papa,
familleroyaleRELsavoirCOMP OrelisREL PERFtuerPOSSpapa

me zot ti prefere reste trankil. 
mais 3PL PAST préférer rester tranquille 
(Grancourt 2001 : 13)

« Lafamilleroyalesavaitquec’étaitOrelisqui avait tué son père, mais ils préféraient rester tranquilles…. »

(15)

Alor nou realize ki SPPF i senser,
alors 1Pl réaliser COMP SPPF TMA sincère
akoz in rekonnet pour dir i annan keksoz ki mal
parce que PERF reconnaître COMP 3SG avoir quelque chose REL mal
(The People 17/3/2000, 3)

« Alors nous réalisons que le SPPF est sincère parce qu’il a reconnu qu’il y a quelque chose qui ne va pas. »

Il faut souligner que selon mes exemples de corpus (voir exemples (7), (14) et (15)) les verbes introducteurs sont toujours limités au groupe des verbes déjà mentionné pour les exemples de Bollée & Rosalie (1994) : Pourdir dans des textes écrits contemporains suit des verbes d’énonciation, de connaissance et de perception.
Cependant, dans les exemples (7), (14) et (15) le locuteur ne semble pas avoir de doutes concernant la véracité de ce qu’il dit. Selon notre analyse de corpus, il s’agirait donc d’une restriction sémantique qui n’est conservée que dans des textes basilectaux, oraux. Cette hypothèse a été totalement confirmée par les enquêtes que j’ai menées aux Seychelles en 2003. Aucun de mes informateurs n’a saisi une nuance sémantique quelconque entre les trois phrases que je leur ai présentées. Cependant, j’avais veillé à présenter plusieurs variantes, entre autre un contexte dans lequel le locuteur doute de la véracité de ce qu’il rapporte (voir (16)), ce qui aurait dû, selon mon hypothèse initiale, favoriser le choix de pourdir en tant que complémentiseur.

(16)

a. Zot in dir   ou’n sov lekol. Me mon konnen  i pa vre.
 3PL PERF dire Ø 2SG PERF sauver école mais 1SG savoir Ø 3SG NEG vrai
b. Zot in dir pourdir ou ’n sov lekol. Me mon konnen  i pa vre.
  3PL PERF dir COMP 2SG PERF sauver école mais 1SG savoir Ø 3SG NEG vrai
c. Zot in dir ki ou ’n sov lekol. Me mon konnen   i pa vre.
  3PL PERF dire COMP 2SG PERF sauver école mais 1SG savoir Ø 3SG NEG vrai

« Ils ont dit que tu as fait l’école buissonnière. Mais je sais que cela n’est pas vrai. »

Je viens de le souligner, pour mes informateurs les trois phrases n’exprimaient aucune nuance sémantique. Ces faits confirment donc l’hypothèse d’une désémantisation.
Cependant, j’ai pu obtenir d’autres précisions, plutôt d’ordre sociolinguistique. Certains informateurs ont clairement attribué la variante

a. à un langage oral et familier
b. à des locuteurs âgés
c. à un langage écrit ou/et à des locuteurs « cultivés »,
Ces informateurs avaient tous au-dessus de 35 ans et étaient familiers avec la construction avec pourdir dans b.
La même enquête réalisée auprès d’une classe d’étudiants du National Institute of Education (NIE) a donné un résultat légèrement différent : la majorité des jeunes autour de 20 ans ignoraient la variante b. avec pourdir et ont clairement opté pour les variantes a. à l’oral et c. à l’écrit.
Pourdir n’est donc pas devenu la marque de complémentisation courante. Cette fonction est largement remplie par ki dans des registres écrits et par la variante Ø dans des registres oraux (voir aussi les résultats du comptage dans les corpus oraux). Malgré l’existence de quelques rares attestations de pourdir dans des registres écrits contemporains, il faut insister sur la rareté du tour dont la survie à moyen terme ne semble pas être acquise. On pourrait faire l’hypothèse suivante : la désémantisation de pourdir en a fait une marque de complémentisation qui assumait la même fonction que ki ou Ø. Comme d’un point de vue fonctionnel, elle ne permet pas ou plus d’apporter des précisions sémantiques supplémentaires, elle disparaît, pour le moins dans des registres écrits, au profit d’une construction présente dans les langues dominantes. L’anglais dispose de modèles où la complémentisation se fait par la marque that, le français a recours à la marque que, à l’origine de ki créole.

3. L’évolution de pourdir

Venons maintenant à la genèse de pourdir complémentiseur.
Nous savons parfaitement que la grammaticalisation de verbes d’énonciation en complémentiseur est une voie de grammaticalisation universelle extrêmement fréquente. Le « World lexicon of grammaticalization » de Heine & Kuteva (2002) présente sous forme de dictionnaire les processus de grammaticalisation les plus fréquents dans les langues du monde. Si on regarde sous l’entrée say on découvre que ce concept est à la base d’au moins huit processus de grammaticalisation différents. La deuxième grammaticalisation le plus fréquemment cité est celle de say en complementizer (Heine & Kuteva 2002 : 261). Nous trouvons ce type de phénomène dans beaucoup de langues créoles aussi, notamment des créoles à base anglaise de la zone américano-caraïbe, comme p.ex. le sranan. [9]. En sranan, takki complémentiseur vient du verbe anglais talk.

(17) sranan

oenno zabi takkino wan zomma ben pree
2PLknowsay/thatNEGINDEFperson PSTplay
lange da drom na negi moen tem
with DEF drum at nine month time

"you know that no one has been playing on that drum for nine months" (vDyk ca 1765, cité d’après Bruyn 2003 : 38)

Mais une telle grammaticalisation [10] est loin d’être réservée aux seules langues créoles et elle est attestée dans des langues typologiquement diverses. La littérature à ce sujet est abondante et je me contenterai de mentionner quelques exemples : elle est attestée p.ex. dans des langues tibéto-birmanes comme le chamling, des langues parlées au Tchad (Ebert 1991) etc.. Heine & Kuteva (2002 : 262) illustrent le phénomène par des exemples concrets provenant d’au moins onze langues différentes sans compter les langues pour lesquelles ils se contentent d’une simple mention du lexème correspondant à dire qui devient complémentiseur. Il s’agit donc d’un phénomène syntaxique répandu dans plusieurs aires linguistiques.
En regardant de plus près, il s’agit, dans la majorité des langues que je viens d’énumérer (voir exemple (17) du sranan), d’une forme finie et isolée du verbe dire qui est grammaticalisée.
En seychellois, il s’agit d’une forme qui comprend une préposition finale ainsi qu’une forme non finie, l’infinitif du verbe dire. On peut évidemment rapprocher ces deux types de constructions complétives dans la mesure où ils comprennent tous les deux le verbe dire. Mais je pense qu’il faut parfaitement séparer les deux types de constructions si on se met à la recherche de leur origine (voir aussi Gilman 1993).
J’ai trouvé deux familles de langues qui possèdent précisément une construction du type pourdir.
D’abord un exemple de l’hébreu biblique où nous avons lē’mōr, souvent traduit en latin par dicens ou en français par en disant dans les traductions de la Bible. [11]
Gilman écrit à ce sujet : " is a preposition like for expressing intention or purpose, and ’mōr is the infinitive of the verb ’to say’ (Gilman 1993 : 50)".
(aussi Haspelmath, communication personnelle).

(18) hébreu biblique [12]

wa yэdabēr ’elohim ’el-noah lē’mōr :
and spoke God unto-Noah for-to-say
(cité d’après Gilman 1993 : 50)

Loin de vouloir chercher le substrat hébreu en seychellois, ce constat confirme simplement que des constructions du type pourdir sont universellement répandues et nous pourrions nous en arrêter là sans courir le danger de quitter le terrain sûr de l’analyse philologique. Mais la tentation est là : la deuxième famille de langues qui possède, de manière généralisée, un type de construction correspondant à pourdir, est la famille des langues bantoues. D’abord quelques exemples tirés de Gilman (1993) qui était le premier à faire le rapprochement entre ce type de constructions dans les langues bantoues et en seychellois :

(19) swahili

a-li-sem-a kw-amb-a a-ta-kw-end-a.
He-past-say-FIN to-say-FIN he-IRR-to-go-FIN

"He said he would go."
(Perrot 1951 : 166, cité d’après Gilman 1993 : 52)

(20) shona

Baba vangu vakafungwa kuti vakaba mari.
father my he-was-thought that he-stole money

"My father was thought to have stolen money."
(cité d’après Gilman 1993 : 53)

Ku qui prend la forme kw devant toute racine verbale qui commence par une voyelle (voir l’exemple (19) du swahili) est un préfixe qui indique qu’il s’agit d’un infinitif et peut prendre des valeurs de finalité (Güldemann, communication personnelle). Dans ce contexte, il est intéressant de rappeler le constat de Michaelis (1994 : 142s.) (voir ci-dessus) : pour final est en train de suivre une voie de grammaticalisation universelle (Haspelmath 1989) en créole seychellois pour devenir une marque de subordination de formes verbales infinies.
Dans l’exemple du swahili amb représente la racine verbale et –a constitue un suffixe, kwamba correspond à l’infinitif to say et dans ses emplois comme complémentiseur il serait l’équivalent approximatif de that en anglais (Gilman 1993 : 52). Dans l’exemple du shona ku est marque de l’infinitif et –ti est une marque de citation, qui peut se traduire, dans la majorité des cas, par le verbe dire (Güldemann 2002).
Heine & Kuteva (2002 : 263) présentent des données comparatives et indiquent une voie de grammaticalisation à partir de l’infinitif du verbe dire pour au moins deux langues bantoues :

« Swahili *ku-amba ’to say’>kwamba, complement clause subordinator. Nyanja kú-tí ’to say’> kùtì, complementizer ».

Continuons l’argumentation avec quelques éléments comparatifs et historiques :

1. D’abord un constat qui devient important par la suite : Le complémentiseur pourdir n’est attesté qu’en seychellois. Concernant le créole mauricien, une analyse détaillée du corpus des textes anciens de Philip Baker ainsi que de ceux rassemblés dans Chaudenson (1981) est restée sans résultat et mes corpus contemporains oraux et écrits ne contiennent aucune attestation de pourdir complémentiseur. Robert Chaudenson (communication personnelle) confirme le même état de choses pour le créole réunionnais. Le tour n’existe donc apparemment ni en mauricien ni en réunionnais, ni dans les textes anciens ni dans la langue moderne.
2. Il est parfaitement évident que le seychellois a connu des apports lexicaux bien plus importants des langues bantoues que le mauricien et le réunionnais. Je renvoie surtout à Baker (1982 et 1993a) qui a fait un recensement très minutieux qui distingue entre les différentes langues bantoues parlées dans différentes zones susceptibles d’être à l’origine des importations d’esclaves. Dans un tableau qui totalise les termes créoles avec étymon bantou (Baker 1982 : 105), il se trouve que le seychellois possède presque le double d’étymons bantous que le mauricien, sans parler du réunionnais où on en trouve beaucoup moins. Chaudenson constate en 1979 : « L’étude historique fait donc apparaître que le rôle des langues africaines a été à peu près nul dans la genèse des créoles de l’océan Indien. Cependant, l’immigration importante, mais tardive, d’Africains de l’est, est vraisemblablement plus à prendre en considération que celle, assez ancienne, mais très limitée d’Africains de l’ouest. Dans le cas le plus favorable qui est celui des Seychelles où les apports de populations africaines ont été les plus importants, ils ont favorisé l’introduction dans le lexique d’un certain nombre de termes, mais n’ont provoqué de changements sensibles dans un système linguistique déjà constitué (1979 : 235). » Chaudenson concède donc que le seychellois a subi des influences africaines plus importantes que les autres créoles de la zone. Mais il est sceptique concernant les évolutions grammaticales.
Les Seychelles, ont, après l’abolition officielle de l’esclavage, continué à accueillir des esclaves illégaux. Après 1835, les britanniques auraient continué à transférer et libérer aux Seychelles les personnes trouvées sur des bateaux destinés à l’esclavage clandestin dans l’océan Indien. Baker (1993a) indique deux raisons pour le nombre beaucoup plus élevé de mots bantous en créole seychellois qui sont d’une grande importance pour notre argumentation :

« First, the Seychelles received many « rescued slaves » in the second half of the nineteenth century. These were overwhelmingly speakers of Bantu languages who formed a third of the islands’ population at that time and who were thus well placed to introduce African words. Second, until very recently, the Seychelles’s main link with the rest of the world was via a shipping route to Mombasa (Kenya), where there exists to this day a Seychellois community bilingual in Creole and Kiswahili. » (Baker 1993a : 130)

Si j’ai cité un exemple du swahili et du shona, je ne veux pas insinuer qu’il s’agit forcément des langues premières des esclaves déportés ou libérés aux Seychelles. A vrai dire, il reste à faire des recherches approfondies concernant ce point. Mais ce type de construction est très largement attesté dans beaucoup de langues bantoues (voir Gilman 1993 ; Heine & Kuteva 2002).

Les locuteurs arrivés aux Seychelles au 19e siècle étaient donc des locuteurs de langues bantoues d’Afrique de l’est. Pourquoi leurs langues n’auraient-elles laissé des traces que sur le plan lexical ? Dans divers travaux, Baker et Corne (p.ex. Baker & Corne 1986, 1987 et Corne 1983) ont déjà postulé que les langues bantoues ont influencé l’Isle de France Creole dans le domaine des marques TMA, notamment concernant la marque du complétif fin. [13].
Les études sur le contact de langues ont montré que le domaine de la syntaxe est loin d’être exclu (Stolz & Stolz 1996 ; Thomason & Kaufman 1988 ; Winford 2003) en ce qui concerne des emprunts (borrowing) [14]. Dans Winford (2003 : 29s.) qui s’appuie sur une échelle d’emprunts (borrowing scale) de Thomason & Kaufman (1988 : 74ss.), on constate que le domaine des conjonctions serait un des premiers domaines touchés quand il s’agit d’emprunter des traits structurels à une autre langue.
Gilman (1993 : 54) dont l’objectif principal est de souligner la différence fondamentale entre les verbes sériels avec say attestés dans les langues ouest africaines ainsi que dans quelques créoles atlantiques et la construction pourdir a déjà suggéré que pourdir seychellois « developed on the model of ku-ti or ku-amba. »
Je suis en accord avec cette hypothèse mais je souhaiterais y apporter des précisions importantes :

4. Conclusion : Pourdir, un cas de convergence

Tout comme pour la grammaticalisation de formes finies de dire, Heine & Kuteva (2002) donnent aussi des exemples de grammaticalisation de formes correspondant approximativement à pourdir en seychellois (égyptien, swahili, nyanja, voir ci-dessus). Théoriquement, de telles voies de grammaticalisation peuvent se produire dans n’importe quelle langue.
Il est donc très tentant de soutenir que l’évolution esquissée pour le créole seychellois serait le cas d’un processus de grammaticalisation universel [15]. Mais nos données sont insuffisantes pour établir les étapes exactes d’un tel processus de grammaticalisation interne au créole seychellois [16]. Le seul paramètre de grammaticalisation (voir Lehmann 1995) que nous pensons pouvoir retracer est celui d’une désémantisation récente : comme nous l’avons vu, la nuance de modalisation montrée pour les exemples de Bollée & Rosalie (1994) semble se perdre dans des registres écrits contemporains. Cependant, selon nos données, les contextes d’emploi de pourdir complémentiseur ne se sont pas élargis comme nous pourrions l’attendre dans un processus de grammaticalisation classique : Pourdir suit toujours un groupe limité de verbes. La marque de complémentisation la plus fréquente dans les registres écrits est ki calqué sur un modèle français.
Considérons un autre scénario : Il est aussi possible que dans le cas de pourdir complémentiseur il s’agisse simplement du transfert direct d’un modèle bantou. Pourdir, élément de modalisation en français parlé, aurait été réanalysé comme complémentiseur à cause de l’existence d’un complémentiseur grammaticalisé dans les langues de substrat à partir de l’infinitif d’un verbe correspondant à dire. Bruyn (2003) propose exactement ce type de scénario par exemple pour l’évolution de ta(k)ki en sranan et elle parle de « grammaticalisation apparente » (voir Bruyn p.ex. 1996, 2003). Mais ses analyses reposent sur un nombre important de données diachroniques dont nous ne disposons malheureusement pas pour le créole seychellois.
A cause de la précarité de données diachroniques nous ne pouvons donc pas trancher définitivement la question délicate de savoir s’il s’agit d’une grammaticalisation interne au créole seychellois ou plutôt du transfert direct d’un patron existant dans les substrats. Par conséquent, je renoncerai à donner une étiquette théorique à l’évolution retracée.

Il s’agit d’une évolution qui s’est produite en seychellois, mais ni en mauricien ni en réunionnais, langues extrêmement proches exposées aux mêmes variétés de français. Je suggère que cette évolution a été déclenchée par des locuteurs bantous qui avaient, dans leur langue maternelle, des modèles directs pour un tel type de construction et qui n’étaient présents qu’aux Seychelles. Mais cette évolution ne se serait probablement jamais produite si le français parlé n’avait pas des constructions dans lesquelles pour dire sert à modaliser un énoncé en notant que le locuteur prend ses distances avec ce qu’il rapporte (voir ci-dessus). L’existence d’une telle construction dans le français parlé par les colons a certainement favorisée l’évolution qui s’est produite par la suite. Par ailleurs, ce n’est probablement pas par hasard qu’elle se produit dans une langue essentiellement orale : c’est avant tout dans des contextes d’oralité que le « on dit » et les modalisations de tous genres sont d’une importance cruciale.

En conclusion, je suggèrerais qu’il s’agit d’un cas de convergence entre une construction de départ présente dans le français des colons d’une part et le substrat/adstrat bantou d’autre part. Ainsi, je pense que l’on peut ajouter pourdir complémentiseur dans la liste des convergences possibles qu’Annegret Bollée donne dans son article de 1982.

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[1] Une première version de cette contribution a été présentée au colloque « Les créoles et la typologie aréale » qui a eu lieu les 27 et 28 mars 2003 à Amsterdam. Je souhaiterais remercier les membres du « Groupe Européen de Recherches en Langues Créoles » présents à ce colloque pour leurs suggestions et encouragements. Mes remerciements s’adressent notamment à Susanne Michaelis pour ses commentaires critiques et pertinents sur une première version du texte, Stefan Pfänder pour avoir accompagné les différentes étapes de cette petite étude ainsi que Robert Chaudenson qui a attiré mon attention sur le problème de pourdir. Je souhaiterais également exprimer ma gratitude à Philip Baker, Annegret Bollée, Tom Güldemann et Hector Poullet et surtout à tous les locuteurs du créole seychellois qui m’ont aidé dans la réalisation de mes enquêtes, notamment à Marcel Rosalie, Marie-Reine Confait et à Penda Choppy ainsi qu’à ses collaborateurs de Lenstiti Kreol aux Seychelles.

[2] Peu importe la fonction précise du lexème, je généralise cette graphie pour des raisons de cohérence au sein du présent article même si les exemples donnés présentent le lexème sous d’autres formes.

[3] Je renvoie à l’article de Kriegel & Pfänder, (à paraître), qui retrace l’histoire de ce lexème jusqu’à ces origines latines pro.

[4] Voir aussi Chaudenson (2003 : 383) qui parle d’élément modalisateur et phatique du type kouma dir.

[5] Les exemples de Ludwig & al. (2001) ont été repris dans leur graphie originale mais j’ai supprimé, pour des raisons de lisibilité, certains signes spécifiques au système de transcription choisi.

[6] Il s’agit d’une seule personne ou de deux locuteurs différents.

[7] Ki est en revanche employé de façon presque systématique comme marqueur relatif dans le corpus de Bollée & Rosalie (1994).

[8] voir p. ex. Kriegel & Michaelis & Pfänder (2003 : 169) pour la modalité épistémique.

[9] La construction est aussi connue p.ex. en juba-arabic, une lingua franca parlée au Soudan, parfois qualifié de pidgin/créole à base arabe (Miller 2001).

[10] Bruyn (2003) soutient que takki en sranan est plutôt une grammaticalisation apparente, c’est-à-dire que le processus de grammaticalisation s’est déroulé dans les langues de substrat et que c’est seulement le résultat du processus de grammaticalisation qui a été transféré en sranan. Nous reviendrons dans la dernière partie du présent article sur cette hypothèse très intéressante.

[11] Une analyse détaillée de la version seychelloise du Nouveau Testament n’a pas donné de résultats concernant l’occurrence de pourdir complémentiseur. Ceci n’est pas étonnant dans la mesure où il s’agit d’une traduction très récente (1999 et 2003) écrite dans un registre qui fait de nombreux emprunts au français, qui, probablement, est aussi la langue source de la traduction. Il est révélateur dans ce contexte de constater la présence du tour an disan directement calqué sur la construction française en disant qui, elle, traduit le tour hébreu lē’mōr.

[12] Heine & Kuteva (2002 : 261) indiquent également qu’en égyptien, r dd ’(in order) to say’ se serait grammaticalisé en that.

[13] « Cet emploi [de fin avec des statifs non duratifs, SK] est surtout d’origine bantoue, mais on retrouve en malgache un emploi partiellement parallèle du complétif. Le malgache et le français sont dans ce cas des influences convergentes qui sont venues étayer un procédé sémantaxique bantou. (Baker & Corne 1987 : 79) »

[14] Evidemment, la notion d’emprunt n’est pas tout à fait adaptée à notre cas parce que ce n’est pas le lexème bantou qui est directement emprunté en seychellois. La forme pourdir dérive entièrement de lexèmes français et les lexèmes bantous respectifs auraient simplement servi de modèles concernant la fonction syntaxique.

[15] Je voudrais remercier vivement Susanne Michaelis qui a attiré mon attention sur la possibilité de donner une interprétation alternative aux données du créole seychellois.

[16] Pour la problématique de processus de grammaticalisation dans le contact de langues en général voir Kriegel (2003).

Kriegel, Sibylle (kriegel@up.univ-mrs.fr )