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CREOLICA


Rodolphine Young. Fables de La Fontaine traduites en créole seychellois

Introduction, notes et remarques sur la langue par Annegret Bollée

Monday 1 July 2013

Au début de l’année 2013 nous nous sommes rendues compte que l’édition papier des « Fables de La Fontaine traduites en créole seychellois » par Rodolphine Young, premier texte connu rédigé en créole seychellois, était presque épuisée. En 1983, il y a trente ans, cette édition publiée dans la collection « Kreolische Bibliothek » chez Buske a été préparée et commentée par Annegret Bollée et Guy Lionnet. Comme il ne fait pas de doute que les textes anciens dans différentes langues créoles connaissent un intérêt croissant aujourd’hui, nous vous présentons ici une ré-édition électronique de ces fables. En parallèle, une ré-édition papier chez Buske est en préparation à l’initiative d’Annegret Bollée.

Une publication électronique de ces textes nous semble utile à plusieurs égards : non seulement l’accès à ce document historique est largement facilité pour un public vaste, aussi bien de personnes intéressées au patrimoine des Seychelles qu’à un public de chercheurs mais le travail sur les textes eux-mêmes se trouve plus aisé. Dans cette version électronique, nous avons décidé de respecter le plus possible la version papier : nous livrons donc, dans l’ordre, l’introduction de 1983 par A. Bollée et G. Lionnet (pages 5-6 dans l’édition papier) suivie des textes des quarante-neuf adaptations de fables de La Fontaine par R. Young (11-60). Afin d’en faciliter la lecture, les notes critiques (55-60) sont présentées sous forme de notes de pages. Les « Remarques sur la langue des Fables » (61-74) sont également reproduites Nous souhaiterions remercier tout particulièrement Evelyn Wiesinger, Sabine Taronna et Lisa Becker pour leur contribution à cette nouvelle édition. Nous avons renoncé à reproduire le glossaire et les textes français des fables correspondantes. Le lecteur intéressé peut aisément consulter ces dernières sur internet. Les « Remarques sur la langue des Fables », même si elles datent d’il y a trente ans déjà, n’ont pas perdu de leur intérêt et nous serions heureuses si la présente édition pouvait encourager de nouvelles recherches. Elle est censée constituer une première étape dans la publication d’autres textes anciens rédigés dans différentes langues créoles à base française.

Annegret Bollée et Sibylle Kriegel

INTRODUCTION

Décédée en 1932, à l’âge de 72 ans, à la Baie Sainte-Anne de l’île Praslin, où elle était institutrice, Rodolphine Young peut être considérée comme le premier écrivain créolophone –sinon le premier écrivain – des Seychelles.
Elle descendait d’un arrière-grand-père hollandais, qui a dû s’appeler De Jong. Lequel avait épousé une fille de Jean-Marie Lebeuze, un Français qui s’était établi aux Seychelles vers la fin du 19e siècle et y avait épousé une fille naturelle de Pierre Hangard – le premier colon des Seychelles – qu’il avait eue d’une de ses esclaves. Rodolphine Young était elle-même la fille de Ralph Young et d’une Réunionnaise, Marie Antoinette Payet.
Rodolphine Young a d’abord été institutrice à l’Anse Boileau de l’île Mahé, où on se souvient encore d’elle, puis à la Baie Sainte-Anne. Elle a donc appartenu à cette phalange d’anciennes institutrices, aujourd’hui oubliées, qui au temps où la profession d’institutrice était peu considérée, donc peu retribuée, se dévouèrent sans compter à la formation des générations de jeunes seychellois.
L’œuvre de Rodolphine Young, à part d’un catéchisme créole, non retrouvé, est constituée de 49 fables de La Fontaine traduites en créole seychellois. C’est ce recueil, que nous avons eu le bonheur de retrouver en manuscrit, qui mérite à Rodolphine Young de ne pas être complètement oubliée aujourd’hui.
La valeur des fables, qui doivent dater d’au moins du début du siècle, réside dans le fait que Rodolphine Young a employé, pour les écrire, un vieux créole qui donne de précieux renseignements sur l’évolution du créole seychellois au cours de près d’un siècle.
Elles constituent également de merveilleuses adaptations des fables de Jean de La Fontaine. En effet, les personnages – plantes, animaux et hommes qu’on y trouve – s’ils viennent du grand fabuliste, sont bien seychellois, non seulement par leurs gestes et leurs attitudes, mais aussi par leurs sentiments et leurs réactions. Ces adaptations constituent donc une véritable réussite littéraire.
Sans doute faut-il restituer ces fables, surtout leur morale, dans le temps. Un temps qui par son esprit de classe semble fort éloigné de notre jeune république socialiste actuelle. Ces fables nous révèlent en effet une société paternaliste répressive qui appartient à une époque révolue. Mais – ce qui ne fait pas leur moindre valeur – elles nous permettent de mesurer le chemin accompli par la société seychelloise dans le domaine de la justice sociale depuis le début du siècle.
Nous avons voulu publier ces fables dans leur orthographe d’origine pour deux raisons. D’abord par souci d’authenticité, ensuite parce que cette orthographe, qui rend correctement la prononciation du vieux créole qu’elle reproduit, est elle-même une autre réussite de l’auteur.

Comme nous venons de le dire, nous avons retranscrit fidèlement le texte original, sans aucun effort pour normaliser les graphies variables. Les corrections faites par l’auteur ont été respectées. Dans les rares cas où nous avons nous-mêmes corrigé des fautes apparentes, nous l’indiquons dans des notes de bas de page.

Les textes du Prologue et des fables 1 à 7 posent un problème particulier : ils contiennent beaucoup de corrections apportées selon toute apparence par une autre main, p.ex. :

Noirs→ noas, 		zistoî → zistoa, 	faire → fè

Ces corrections étant été faites avec une plume très grossière, la graphie originale n’est souvent presque plus lisible. Dans deux ou trois cas, nous n’avons pas pu déchiffrer l’écriture originale et nous avons dû écrire les mots concernés tels qu’ils sont écrits dans les autres fables.

Dans le cahier des fables écrites par Rodolphine Young se trouvaient deux feuilles à part, d’un autre papier, contenant des « morales » pour les fables 2, 3, 17, 18, 19, 24, 29, 35, 39, 41 et 48. Selon toute apparence, cet ajout a été écrit par une autre main (ou plus tard par le même auteur, avec une écriture changée). Nous imprimons les morales de cet ajout après les fables concernées entre [ ].

PROLOGUE

Zott tous, noirs mon bouzois, vini; moin na zistoî [1] pou raconte zott.
Si zott oulé évite çagrin, acoute moi bien.
Ça qui mo oulé raconte zott là, ça l’ouvraze ein blanc.
Zhomme qui ti fair ça zistoî là, dans temps l’autrofois,
(5) Pas ti ein pecê crab, ni ein manzê macrô.
Ça ti ein zhomme comme y faut. Zott ti appelle li "La Fontaine".
Coma moi na bonhê conne lir, ça fait mo prend la peine appelle zott.
Pou dî zott tou ça qui mo ti ouar là dans, pou empêce zott vine méçants.
Si ça y resté dans zott lé kêr, zott pas va sitant mauvais:
(10) Boir tafia, alle marron dans bois, travaille èque malfaisants,
Rode la tizane cot grand noirs, empoizonne zanimaux zott bouzois,
Fair tout ça qui mauvais noirs y content fair pou donne tracas zott bouzois.
Zott va ouar clair coma li zou, qui dans tout pays y ein a malhéré.
Zott va comprend qui faudrait sippôté! Pisqui dans pays Sécelles, en France, pârtou,
(15) Tout ça qui crétien y bisoin souffert, comme si eine nation maudit.
Alôsse, si zott ouar, en France mème bouzois y souffert,
Pli fôrte raison, comprend qui noirs pas doite ete miré [2]
Quand zott gangne malhè lô la terre.

Noirs, blancs, tout doumoune y blizé souffè.
(20) Quand mème ça qui dans p’tit payotte, quand mème ça qui dans grand la caze.
Tout doumoune y doite prend bon kêr, ça qui bon Dié y envoye li.
Si nous fair ça magnière là, nous capab sîre,
Nous alle dans Paradis l’hère nou a môrt.

1

LE CORBEAU ET LE RENARD

Compè corbeau ti fine coquin eine bel fômaze tet-de-môr.
Y tiombo li dans son la bec. Ça fômaze ti ana bon 1’odêr!!
Compè rénâ y passé, y ouar côbeau fine aposé en l’air, lô ein brançe di bois.
Y dir dans son lé kêr: "Moin na bon l’appétit; ça fômaze y senti bon.
(5) Si mo ti capab gangne bonhè tiombo li! Mo ti a dine pli mié qui blancs!"
Renâ qui malin bougue y dir côbeau: "Mâtin! ou faraud!!
Ou l’habit fine taille à la mode! Ou pareil ein grand M’sié.
Quand mème en ville, quand mème bitacion, ou doite ete passe pou grand dimoune.
Mais John, zott dî moi ou eine mizicien.
(10) Partout cot mô passé, mô tanne zot dîr ça.
Zott dî pas na cantrelle, qui ana la oua pli zôli qui ou;
Allons, mon frè, çante ein p’tit coup, pou moi ouar si zott pas menti.
Moi bien content si tout ça qui zott dir moi y vrai....
Comment côbeau y tanne ça, y commence gonflé. Y pas capab tini;
(15) Y ouvert son la bec pou çanté, aïh! aïh! aïh! ala fômaze qui tombé
Dans la gaîle compè rénâ!!
Compè rénâr y commence rié: Quoh! quoi! quoi! quoi!
Si ou pas ti ein bouffon, ou pas ti a couâre ou ein famè zhomme,
Ou pas ti a sèye çanté, ou pas ti a laisse ou fômaze tombe dans la gaîle eine l’aute.
(20) Compè côbeau y resté bête, y pas réponne nâien
Nèque y grongne grongne em bas en bas, y dî:
"Ou pas va embête moi encore ein l’autt fois."

2

LA CIGALE ET LA FOURMI

Eine fois ti ana eine cigale, qui ti touzoù après çanté.
Et pi ti ana eine foûmi, qui ti resté prôce là mème côt li.
A là ein zou, cigale fine la faim; y alle côt foûmi, y dî:
"Donne-moi ein p’tit guine manzé; quand moi gangne môceau bon quéque çose, moi rande ou."
(5) (Ou conné foumi y la main lourd; y pas content donné)
Y réponne cigale: "Mon camarde, qui ou travaille tout la zoûnée?
Comment ça s’fait ou pas na nârien [3] pou manzé?"
Cigale y dîr: "Tout le temps mo resté çanté;
Moi mème qui ti çanté zoû qui ou ti bien dansé là." -
(10) Han! han! ou qui ti çanté alorsse! Ça fait ou pas n’a l’aute métier?
Ah ben, mon cocotte, si ou gangne la faim dans moutia, Alle danse séga, à présent.

[A cause çan memme qui mo dî zot
Quand doumoune content fié y compte lô mâmmite son camarde,
(15) I capab sî y a resté sans soupé.] [4]

3

LA GRENOUILLE QUI VEUT SE FAIRE AUSSI GROSSE QUE LE BŒUF

Ein zou ein gournouille qui ti après boîr di l’eau
Y ouâr ein gros tôreau. Y dîr èque son banne camarade:
"Mo [5] pârié mo capab vine gros coma ça bef là." Zott tout y rié:
"Quia! quia! quia! quia! -"
(5) "Ou pas mème gros coma eine di zef toutrelle!
Faudrai qui ou bien gonflé ou lé côr, pou ou capab vine gros comme ça!"
- Y di zott: "Ah ben! guette-moi; zotte a ouâr si mo menti.
Mo pârié moi vine pli gros qui li encore. Bon Dié pini-moi!"
Là y commence gonflé son lé cô; après y dîr: "Zott, guetté;
(10) Dî moi si mo encô loin pou arrivé" - "Ah ba!
Ou pas assez malin pou ça. Avant ou commence fair ça,
Alle manze madégonne, ou tandé?"
- "Quand mème tout ça qui zotte a dîr, mo conné, moi vine pli gros qui li."
Y fôrce encô ein p’tit môceau [6]; vente y pété: boum!!
(15) Trip y sôrti dèhôrs….
Gournoui ti perdi son pâiaze.

[Çaque foi qui noâ y a oulé fè son vantâ,
Y faudrait qui y a paye son bêtise,
(20) A cause y sèye mette souyé fin.
Couâ moâ, zott, mâcé sans souyé dans li pié.] [7]

4

LES DEUX MULETS

Ein zou dé milets ti après mâcé dans grand cimin,
Eine ti amène ein gros paquet zêrbes, l’aute ti amène l’âzent.
Ça eine qui amène l’âzent y fair vantâ, y rié [8] son camarade.
Y dîr [9] li: "Mon frère, qui ou améné là? Ou fine çâze ou èque la paye;
(5) Ça l’ouvraze p’tit mâmaille; pas eine travail pou grand zhomme coma ou;
Guetté, ou lé dos y tout sâle. Pâuv’ diab! Vrai, mon frère,
Mo ti a gangne mal au kêr alle divant dimoune comme ça."
Y commence rié: Quoi! quoi! quoi!"
L’aute y baisse la tête, pas dî li nâien.
(10) Ala ein p’tit moment, zot zoinde volê; la pê y prend zott.
Zot commence tayé: Tipi, tipi, tipi, tipi…..
Coma volê y ouâr zot foulcan comme ça y prend son fisil.
Y tir lo M’sié qui amène l’âzant. Coude fizi y parti: Poh!
Pauv’ [10] milet y tombé: Boh! L’aut y viré y dî li:
(15) Mon camarade, ou ti rie [11] moi. Si ou ti amène la paille coma moi
Zot pas ti a fair [12] ou nâien.

5

LE LOUP ET LE CHIEN

Ein zoû eine loulou qui ti na nèque la peau èque lé zo,
Y zoinne ein gros li cien, gras coma di lâ. Eine lé kêr y dî li:
Ala bon manzé si oûlé. L’aute lé kêr y dî 1i: Ça compè là y vaillant;
Y ana bon lé dents pou défanne son lé cô. Quand mème li, li cien,
(5) Mais ou trop faye pou li. Eine coude patte mème assez
Pou flanque ou en bas. Resté tranquille, ou tandé.
Ça fait loulou y dî li cien: "Bonzoû, compè; comment ça va?"
- "Ça va bien; sais pas ou mème?" - "Compère, ou n’a l’air moi bien vaillant;
Comma dî ou gangne bon lé zo,
(10) Pou mette en bas lé dents?"
- "Mais mon frè, ou mème l’autè, si ou pas vine gras;
Qui ou faîr dans bois? Vine dans la coû mon boûrzois,
Ou a gangne manzé plein ou vente."
Loulou y dî: "Bon! dî moi qui faudrai faire
(15) Pou zott donne moi ça bon manzé là."
- "Presqui nâien, flatte, flatte ein pé boûzois, faire ein pé gnace,
Môde faye doumoune, zappe zappé à soir èque volè,
Ça mème tout; ou sî ou a gangne bon manzé."
- "Bon, mon camarade, moi vini; en-nous!"
(20) Ala zott dé qui allé; ou ti a dî dé frères…
Ein p’tit moment, Loulou y ouar li cou son camarade fine tout plime plimé.
Y dî li: "Mais mon frère li cien, qui ou gangné dans ou li cou?"
- "Ça nâien; à cause tous les zoû, zot amarre moi èque ein p’tit côdon,
Pour empèce moi alle marron." - "Qui ou dî? Amarré??
(25) Non compè ; amarré là mauvais zaffaires ça; moi pas oulé.
Mo pliféré mô la faim, libe dans bois.

Loulou là ti calquile mal; sèvi ou boûzois pli bon qui marron èque zanimaux dans bois,
Besoin alle coquin pou manzé.
Ça pa eine la vie pou ein chrétien fair, ça.

6

LA GÉNISSE, LA CHÈVRE ET LA BREBIS EN SOCIÉTÉ AVEC LE LION

Ein zou ti ana eine lion, eine fémelle mouton, eine fémelle cabri, et pis eine zénisse.
Zott quat’ y dî ensembe: "En-nous associé,
Pou nous alle la çasse ensembe." Zott tout fine tombe d’accord.
L’hère bar d’zoù y fair, zott lévé, zott boîr café; la zot alle dans bois.
(5) Mo couâ [13] ça zoù là, zott ti fine gangne la guigne.
Zott mate lâ à droite, à gauce, pâtout pâtout,
Pas fici [14] gangne eine nâien di tout... A fôce à fôce,
Fémelle mouton y maille ein gros mâle cerf dans son lâ:
Là, y criye les zott: "Vine donne-moi la main!"
(10) Ein p’tit moment, zott tout fine arrivé. Compè Lion y dî zot:
"Bon! A présent faudrait partazé, ça." Y tî [15] son grand couteau,
Y coupe ça bébête là en quat’, pou çaquinne gangne ein cârtier.
(Moi mo couâ comme ça.) A présent compè Lion y dî: [16]
"Qui c’eine là qui zot maîte ici?" Zott dî li: "Ou mème;
(15) Nous pas na l’aute maîte." Y dî: "– eh ben, quand servitè y ana quéque çose,
Faudrait donne zot maîte, avant. Alorsse, moi prend eine môceau."
Après ça, y dî: "Qui c’eine là qui ana pli gros lé dents?" – "Ou mème."
"Ah ben, pisqui mon lé dents y pli gros, faudrait qui li gangne ein môceau."
Après ça, y dî: "Entré nous quat’, qui c’eine là qui pli fôrt [17]?" Zott dî li:
(20) "Compè, nous couâ ou même [18] qui pli fôrt." – "Ahn! Zott couâ? Ah ben,
Zott pas doite faire moi di tort. Si mo pli fôrt, faudrait paye la fôce aussi.
Mo prend eine cârtié pou mon la fôce." Gence-là y vine bête!
Aprésent, Lion y dî: "Zott, acoute moi bien: Moi pas content rôde rôde dispite.
Si eine, entré zott, y ana malhè mette la main lô ça môceau qui resté là,
(25) Y capab compté, azord’hi son dênié zoù"... Là, y prend tous les quate môceaux.

Y mette dans son paquatia, y dî zot: Adié… Y alle dans son la cour…
Gence-là pas fici dî ein mot!

Ça qui ana malhè prend zaçocié,
Y prend rotin pou fouette son lé côr.
(30) Ça, tout doumoune y conné, ça.

7

LA BESACE

Dans temps l’autrofois, quand Zipitè ti lèr [19] oua zanimaux,
Y ti fair batt’ tamboû ein zoû, pou assemblé tout zanimaux divant li.
Là, çaquinne ti oblizé dî li ça qui manque zott, pou zott vine zo¬li gâçon.
Y ti promette, y a donne zott, tout ça qui zott va demandé pou zott vine zôli.
(5) L’hère ça zoù là y arrivé, zot tout fine vini. Zipitè y dî zott.
Çaquine dire ça qui ana pou dî. - Macaque y commence prémier:
Y dir: "Quand mo guette-moi bien, dans la glace,
Mo ouar mo la figuire y assez bien. Moin na quat la patte, coma lé zott,
Moin a eine bel la ké,
(10) Quand mème mon courpion y plime plimé,
Pareil zounou gence qui trop dévote; ça pa guette personne,
Ça mon zaffaire… Par exempe, pauv’ compè l’Ours,
Y capab vanté y pli vilaine qui eine Soungoula.
Si eine femme enceinte y guetté li, y sî, y a fair fausse cousse.
(15) Y ène a de quoi fair li avôté!" L’ours y avancé, son tour.
Ou couar y ti demanne môceau la beauté pou li? N’a pas là!
Y dir y pli zoli qui les zaut!! Y dî: "Mais zott! guette l’éléphant!
Pôv diabe!!! Lé temps zot donne li eine p’tit boute la ké. Après ça,
Zott ti a coupe p’tit môceau son zoreilles. Et pis,
(20) Rabote ein p’tit pé son la zambe. - L’éléphant y vini son tour.
Y dir: "Mo pas trouve moi vilaine. Pas dî pou mal pârlé
Mais guetté baleine, ein pé! Qui ça, ça? Qui race bébète, ça?
Ça pas dimoune ça! Ça eine pays! Femme enceinte qui ouar li, y capab criye "Zezis-Marie!"
Zott tout zot vine causé ; çaquine son tour. Çaquine y ouar,
(25) Défaut son camarade. Pas na eine qui trouve défaut lo son lé cô.
Tout ti content son sort. Zisqu’a foumi qui trouvé
Y pas trop p’tit. Zipitè y dîr: Bon! Zot tout zot fine ouar
Défaut zott camarade. Pèsonne pas fine ouar ça qui pou li.
Alorsse zott tout zot content. Allez, mon zanfants; sellement,
(30) Pas blié, qui pas zotte qui pou zize zaffaires,
L’hère zot à mô [20].

Nous a ouar si ça qui ana bon causé lô la tè,
Y a cause fort divant bon Dié.

8

L’HIRONDELLE ET LES PETITS OISEAUX

Ein vié zirondel’ qui ti fine voyaze tout son la vie,
Ti fine gangne plein l’esprit. Ein zoù y passe dans cimin,
Y ouar doumoune après plante çanve. (Ça çanve là, ein zèbe qui vine belle.
Zence en France qui malin boug’ y fair la ficelle avec.)
(5) Zirondelle y dî: "Pauv’ p’tit zoizeaux! Laisse-moi donne zot l’es¬prit:
Zott pas conné coma ça zence là y malice. Ça zence là, y après sème malhè pou zot.
Moi mo pas pè; moi alle pli loin. Mais quand zence là,
Y a fair lâ pou maille zot, zot tout, zot va tomb là dans.
Y a tiombo zott, bien comme y faut, pou fair la daube èque zott.
(10) Ça zaffaire qui zot après planté là, pou faire la côde ça.
Couar moi si zot oulé; coma la graine y en bas la terre là,
Manze tout, avant y poussé! Zot a gangne malhè, là."
Au lié acoute zirondel, p’tit zoizeaux y rié... "A cause ou sotte comme ça?
Ou couar nous a quitte cot na bon manzé, pou alle rode vié manzé qui nous pas conné?
(15) Faudrait qui nous a bien bête; bouce ou la bousse, ou a fair mié."
L’her zèbe y commence poussé, zirondel y dî: "Zott, y encore assez temps;
Race ça zèbe là eine après l’aute." - P’tits zoizeaux y dî:
"Ah bah! ou ein vié folle. Ou couar nous beffe, pou nous manze ça zèbe là?
Eh! ou conné allé, hein…" Pli y allé, zèbe y poussé.
(20) Zirondel y dî: "Ah ben, pisqui zot pas oulé acoute moi,
Mo donne zot encore eine conseil: Pas resté ici; sauvé, alle loin."
Zott pas oulé tandé. Qui zot fair? Zott tout, zot all tombe dans pièze.
Là zot ti ouar, qui zirondel ti ana raison. Mais ti trop tard.
(25) Ça zistoire doite ète sèvi l’exempe.
Quand grand moune y causé,
Nous doite ète ouvert zoreilles pou acouté.

9

LE RAT DE VILLE ET LE RAT DES CHAMPS

Eine fois ti ana dé lé rats. Eine ti resté en ville, l’aute ti resté la campagne.
Le Rat la ville y invite son camarade pou dine côt li.
Son camarade y dî: "Pas pè, ou; moi vini. Ça zoù là, y descenne en ville, y arrivé.
Ala l’aute lé Rat y amène li dans ein grand biffet.
(5) Ti ana formaze, la viande frire, ein bel maman bananne,
Roti, macrô, sâdine; Après ti ana eine carry coçon qui ti senti bon.
Pou dessè ti ana confitî, patate, moucate, et pis ein grand bol di riz doux.
Zamais ou pas ti a ouar pli bon zaffaî. Proç, la mème ti ana eine belle callebasse bacca,
Pou fair descenne tout ça bon quèque çose là.
(10) Là, zott commence envoyé mème. Zott pas ni causé, ni rié…
Comma zot après èque la soupe là, eine boy y ouvè la porte!
Zott entré dans ein trou: Floupe! Quand boy ti fine foulcan,
Lé Rat la ville y dî: "A présent, en-nous manze vit’ment vit’ment.
Pou fini tout ça là bien comme y faut. En-nous rempli bien nous vente, avant y toûné.
(15) L’aute y réponne: "Mo pas envi mò moi; laisse-moi alle dans mon la coû.

Bon Dié pini moi, si mo vine manze encò ici.
Au mié mo manze mo racine magnoc sec, ou tandé?"

Noirs bitacion
Pas b’soin fréquenté èque noirs la ville.

10

LE LOUP ET L’AGNEAU

Dans temps l’autrofois, ein p’tit mouton ti après boir di l’eau, au bord la rivière.
Ein gros Loulou y sòrti dans bois,
Y vine boir, li aussi. Lé dents loulou ti fine rouyé à force la faim.
Ou a dî y ti après fair caremme. Son la gaile ti fine pointe;
(5) Li ti zonne coma la peau limon. L’hère y ouar ça p’tit mouton là,
Tout souite son lé kè fine content: Y rié; y dî: "Ah!
Bon Dié fine envoye ça pou moi mette en bas lé dents!"
Là y dî èque mouton: "Et ou, qui ça qui permette ou
Vine boir dans mon la riviè? Ou après sali sali mon di l’eau là.
(10) To faire exprès pou rode la guerre èque moi. Déza l’année passé,
To ti mal parle moi." P’tit mouton y dî: "M’sié,
P’tête l’aute doumoune; moi pas ti encò né l’anné passé."
Gros Loulou y réponne: "Si pas toi, alorsse ton papa."
– "Moi n’a pas papa, M’sié, moi eine batâ."
(15) – "Alorsse ton frè." - "Mo n’a pas frè, mo n’a pas auquine parent."
– "Mais to n’a l’audace résonner encore? To conné èque qui to causé?
To pancore pousse lé dents, to conne fair solent?
Moi fair toi ouar, vine ici; pas ouvert ton la gaile."
– "Mais M’sié, mo pas dî ou nâien."
(20) – "Pas bisoin d’mande pâdon à présent."
Comma y dî ça, y fair: Houan!
Pauv’ p’tit mouton y faire: Bééé! Y tomme sec à terre.
Loulou y prend la viande, les zo, tout, y avale ein coup: Floupe!

11

LA MORT ET LE BÛCHERON

Dans temps l’autrofois ti ana ein pauv’ vié zhomme,
Tous lé zoù y bisoin coup di bois pou li vanne,
Pou nourri son femme èque son zenfants.
Coupe di bois là, mauvais métié ça, quand ou n’a pas soulié dans li pié.
(5) Ou li pié y resté gangne plein piquants! A la ein zoù,
Zhomme là ti fine fatigué èque son di bois, y après demandé
A cause bon Dié y fair li misè comme ça. Tous les zoù la mème çose.
Y ouar son fami après mò la faim, li oblizé reinté!
Y perdi couraze: Y dî la Mô vine prend li...
(10) Comma la Mô y tanne ça, y arrivé: - "Ala moi, ou ti appelle moi,
Qui oulé?" Zhomme enque [21] y réponne: "Mo ti appelle ou,
Pou donne moi la main lève mon paquet di bois, si ou plaît,
A cause y trop lourd pou mette lo mon zépaule.

Ça zaffaî là nous ouar tous les zou, ça.
(15) Quand mème nous misè coma li cien lo la terre,
Personne pas oulé consenti pou alle dans trou.

12

LE RENARD ET LA CIGOGNE

Mo fine déza dî zott qui ci ça Rénà; ça eine zanimaux en France,
Mème pays èque Cigongne. Cigongne là, eine zoizeau qui resté au bô [22] di lo,
Coma manique èque poul d’eau. Ça eine zanimau malin;
Ou a ouar ça ta l’hè [23]:

(5) Ein zou frè Réna y invite Cigongne pou diné. Cigongne pas manqué,
Y arrivé èque son bel l’appétit. (Pou li gangne l’appétit,
Y boir ein p’tit verre l’absinthe avant vini.) Y pas ti douté,
Fâce qui Compè Rénà ti pou faîr li.
Compè Rénà y sèvi ein manzé en di lo en di lo,
(10) Dans ein p’tit coté callebasse cassé, plate;
Lé temps Cigongne y après la guerre pou saye la pèce môceau,
Rénà fine baflé tout nette. Y ti malin, mais ça ti malhonnête.
Cigongne pas dî li nârien, y alle cé li. Son lend’main,
Y invite Rénà pou diner. Compè Rénà pas réfisé.
(15) L’hè diner y arrivé, y trouve couvert fine metté,
Mais pas na ein plat lô la tabe. Cigongne ti fine ramasse
Fiole di l’eau Colongne, gargoulette, pou mette tout manzé la dans.
Cigongne y donne li eine serviette, eine foûcette, eine couyè [24],
Après y dî li: "Compè, allons, sans façon ; a pas zenné, manzé.
(20) Cigongne y commencé: "Quio! quio, quio, quio,
Ou a dî canà dans di l’eau. Ein p’tit moment y fine balié
Tout manzé. Réna y faî tout magniè pou boûre la gaile dans fiole
Pas fici entré. Son la tête trop gros.
Y pas gangne ein p’tit lé zo.
(25) Bon l’odè manzé y faî li bâvé. Y ti oblizé tourne cé li,
Sans diner.

Y en a beaucoup nous,
Qui capab prend l’exempe lô là.

13

LES FRELONS ET LES MOUCHES À MIEL [25]

Ein zou eine dimoune y trouv’ trois gauffes bon di miel.
Y fair d’manne partout, qui c’enne là qui fine pèrdi ça.
Mousse zonne y arrive prémier. Y dî: "Ça pou moi, ça."
Ça doumoune y dî: "Bé prend, si pou ou."
(5) Coma y dî ça, mousse di miel y arrivé son tour. Y sitini [26],
Qui di miel [27] là pou li. Mousse zonne pas oulé conveni.
Ala zaffaî y alle la police. Zize y embarassé, à présent.
Y pas conné qui ça qui na raison.
Témoin y dî y ti ouâ p’tit bébêtes plein sirop, sorti dans gauffes,
(10) Y dî zott ti ana lé zailes, ti pareil p’tit mousse di miel.
Mousse zonne y dî ça son pitits ça, qui zott ti barbouye èque sirop,
Pou empèce zott [28] crié. Zize pas conné qui y a dî.

Y renvoye zaffaî dans hui zoû, pou rode l’aute témoins.
Au bout hui zoû, eine quantité dimoune y arrivé pou sèvi témoin.
(15) Zott causé, causé, Zize pas ouâr [29] nâien.
Là eine mousse di miel y dî: "Mais zott, pas bisoin tout ça doumoune la.
Pou conne la vérité. Acouté, Votre Honnè;
Fais nous fai [30] di miel divant ou. Pas va bisoin l’aute la prève.
Ça qui va vine à bout fai di miel, li mème son maite gauffe.
(20) Mousse zonne pas oulé consenti ça magniè là,
Là Zize ti ouar clair. Y ranne mousse di miel son gauffes,
Y condanne mousse zonne paye l’amanne [31].

14

LE CHÈNE ET LE ROSEAU

Ein zoù ein grand pié ceinne y dî èque ein piè roseau:
"Vrai; ça y faî moi la peinne ouâ [32] ou pousse comme ça au bô di l’eau
Comma dî ein p’tit zenfant qui n’a pas maman.
Pli p’tit di vent qui vini, y faî ou pliye en dé.
(5) Zoû grand la pli, ou pas couâr magniè [33] mo çagrin.
L’hère la riviè y débôdé, y couvè ou. Comme si mo gangne pè di lo va amène ou.
Encore, si ou ti a vine caciette en bas mon brance.
Mo ti a gardien ou bien; mo pas ti a tremblé pou ou part."
Pié rozeau y dî: "Merci ou bonne volonté; mais mo pas oulé alle caciette cot ou.
(10) Mo bien côt mô été. Quand di vent èque la pli y passe lô moi,
Mo dômi plate à terre, assez; mo pas bisoin trammé pou nâien.
L’hère tout grand tapaze ine passé [34], mo dressé, mo lève diboute.
Tandisqui ça qui tini la tête, quèque fois y vire boute pou boute.
Ou couâ [35] ou bien fô à cause ou pancore zoinde ou maite.
(15) Mais dans quèque temps ou a touve li."
Y pas ti encô fini causé, ala ein grand divent y arrivé!
Gros pié ceinne y tini fò comma la rôce. Rozeau y baisse en bas.
Rafale di vent y vine pli fò encò ! (Mo couâ ti dans coude vent 66 ça)
Y déracine pié ceinne, en bas!!

15

CONSEIL TENU PAR LES RATS

Longtemps ti ana eine çatte. Zamais doumoune ti ouar eine scélerat comme ça.
Ça ti ana tout nespèce mangniè pou tiombo lé rats.
Si tellement y ti fine tiombo ein quantité, dé trois qui resté n’a pi ti capab sòti dans trou.
Zott ti bien ouâ [36] qui la faim va faire zott mò, pô p’tit bête.
(5) Zott ti n’a pas nâien pou manzé. Eine entré zott y dî:
"Mais nous pas capab resté comme ça. En nous rode mangniè
Pou [37] nous sòti là. Moi mo fine gangne ein mazination:
En nous amarre ein p’tit la cloce dans li cou çatte;
Quand y a vini, la cloce va sonné. Nous a capab sauvé
(10) Avant çatte y entré." Tout y dî: "Çan mème!" A présent,
Ti fallait trouve eine lé rat bonne volonté,
Pou amarre ça zaffaire là dans li cou çatte… Eine y commence dî:
"Pas coma moi qui pou alle séyé. Ein zaffaî ein pé danzéré ça."
- Eine l’aute y dî: "Ça pas badinaze ça; pèsonne pas oulé allé.
(15) Zott pè çatte coma diabe! Zott sépà comme ça mèmme
Pas na eine qui ti oulé allé.

Tout doumoune y conne donne conseil,
Mais l’hè y ana eine danzé,
C’est à qui y quile pà dèriè.

16

LE LOUP PLAIDANT CONTRE LE RENARD PAR DEVANT LE SINGE

Eine [38] fois eine Loulou ti après plaingné
Qui doumoune y vole son quéquechose.
Y ti dî pas n’a l’aute qui Rénà, qui capab fair ça.
Rénà ti resté proce, là mème côt li. Pou coquin, pas n’a son maîte coma Rénà.
(5) A soir y lève la line couçant, y alle promné promné,
Y vire vire touzoù dans paraze poulailler.
Quand mème li cien y aboié [39], doumoune pas sôti, zott pè malfaisants.
Sollement son lend’main, zot ouar touzoù eine quantité volaille qui manqué.
Zoù qui zot bliye ferm pâc mouton, zot capab sî son lend’main va manque eine.
(10) Coma zott conné Loulou aussi y content la viande,
Zott mette né né lô li aussi. Zott dî: "Réna pas ti a capab manze tout ça li tout sel.
Ala ein zou, Loulou mème y vine plaingné. Zot envoye çasse Rénà.
Rénà y arrivé. Zize y démanne li si li qui ti coquin zaffair Loulou à soir.
Tout souite mème, Rénà y dî pas li. Loulou y en colè;
(15) Y dî: "Longtemps ou après coquin pâtout, pâtout. Ça y dézagréabe;
Faudrait ça y fini. Mo couâ [40] la police y dômi.
Lé temps y commence ouvè li zié." Zize là ti eine macaque;
Y envoye appelle eine tiquetaque. (Zott conné, tiquetaque eine bébête qui ana -l’esprit)
Zize y d’manne tiquetaque si Rénà y ana tô.
(20) Tiquetaque y dî: "Oui." - "Mais alorsse Loulou y ana raison?"
Tiquetaque y dî: "Non." - Macaque y dî zott: "Ah ben, mon scélérats,
Alle en prison zott dé, zisqu’à l’hè zot a paye l’amanne."

17

LES DEUX TAUREAUX ET LA GRENOUILLE

Ein zoû, dé tauraux ti après la guerre au bô la rivière.
Eine gounoui qui ti après guette la guerre, y commence pléré.
Son band’ camarades y riye li. Zott dî: "Pô diab! guette li!
Ah! mon Dié Seigné!" Eine l’aute y dî li: "Mon sè, qui ou gangné?
(5) Ou après plaingne plaingné là? Zence là y la guerre, laisse zot.
Qui ça y faî ou? Coma dî zistoî: Zaffaî cabri pas zaffaî mouton."
Si ou ti a mazine môceau, ou ti a pléré, ou aussi. Ou a ouâ,
Quand zott a fini faî la guèr bien comme y faut,
Ça qui pli faye va vine caciette ici. Quand mème nous a d’manne pâdon,
(10) Y a craze craze nous en masse."
Ah ben! y pan cô fini causé, ala eine tôreau y tayé.
Y vine dans di lo; y pile pile dans zons, pou caciette son camarade.
Y craze gounoui par pangnier.

Quand M’sié èque Madame y dispite,
(15) M’sié y vine tî son la colè lô nous.
Tout son mauvais zimè y passe lô nous lé dos. [41]

[Ça qui pli faye y ana touzou tô.
Ça memme qui l’hè pou manzé,
Zot mette li cien déhô
(20) Ça l’hè là, blanc qui fè pécé.] [42]

18

LA CHAUVE-SOURIS ET LES DEUX BELETTES

Ein zoù ein p’tit soussouris bananne,
Y tomb’ dans trou ein zanimau qui zott appelle bélette en France.
Ça bebête là y dî: "Grand mèci bon Dié! Moi fai bon cari à soir;
Ça eine soussouris ça qui bon Dié y donne moi pou soupé."
(5) Soussouris bananne qui pas bête, y dî li: "Si ou na li zié,
Guetté; ou a ouâ moi pas eine soussouris.
Moin na lé zaile, bien comme y faut. Pârdon!
A pa prend moi pou soussouris si ou plaît." Bélette y dî li:
"Ah ben allé." Soussouris pas démanne plisse, y tayé mème.
(10) Eine l’aute zoû encô, (Moi pas conné si soussouris ti fine boî,)
Y alle tomme encore dans trou eine l’aute bélette.
Bélette qui content la vianne y dî: "Ala ein zôli p’tit zoizeau.
Moi faî ein bon p’tit rôti." Y empongne pauv’ soussouris bananne.
Soussouris bananne y dî li: "Mais ou folle? Qui ou gangné?
(15) Ou ouâ plime lô moi [43]? Si moi zoizeau, plime-moi;
Ou pas ouâ moi eine souris?" Qui bélette ti capab dî?
Nâien di tout. Soussouris bananne y sauvé.

[Comme ça qui zence bon paôle
Y vine à bout dégaze zott lé cô,
(20) L’hè zott gangne ein môvais zaffaî.] [44]

19

LA LICE ET SA COMPAGNE [45]

Ein zoù, dans temps l’autrofois, (en pâlant pà respect)
Ti ana eine fémelle côçon. Zot connait coma la viande côçon y bon!
Ça côçon ti fine fai zami, èque ein fémelle li cien qui ti pleine gros vente.
Li cien là y dî côçon ein zou: "Mô prôce pou mette bas.
(5) Si ou plaît, mon ser, prète moi ou pâc dé trois zoù,
Pou moi mette mon pitit." Côçon y dî: "Eque plaisî, mon ser.
Li cien y vini, y mette bas. Son pitits y grossi, y vine forts,
Y conne môdé, zappe zappé tout la zoûnée, môde p’tits côçons.
Quand côçon y ouâ tout ça, ça fine ennouyant li;
(10) Y dî Maman li cien: "Mon sè, à présent ou pitits y fô, ou capab allé."
Allé? Qui ça qui dî ou ça? Eque qui ou causé, côçon?
Eque moi-même? Mo pas couâ ça." Coçon y dî:
"Mais pâc là pas pou ou ça, pou moi.
Ça coma dî ou batte pè ou prend son robe." Li cien y réponne:
(15) "Mo fou pas mal! Si to coua pâc pou toi, vine mette moi déhô,
Nous a ouâ qui ça qui na raison..."
Coma y dî ça, y commence grongné: Houanan an!
Y mette tout son lé dents déhô. Ala côçon qui tayé!
Mais li cien èque tout son banne pitits, y bâte li, y faî li resté.
(20) Zott môde môdé li zisqu’à y mô.

[Pareil ça contèr noâ [46] qui dit:
Baton pa tap pli fô qui sabe.
Tout doumoune y conné bon kè crab,
qui empèce li gangne la têt,
(25) Mais mâgré tout, bon Dié qui nous maîte.] [47]

20

LE MEUNIER, SON FILS ET L’ANE [48]

Zamais ou pas capab contente tout doumoune.
Ça qui eine y content, l’aute y haïe; y ana qui content travail,
Y ana l’aute qui content dòmi. Eine y pense eine [49] mangnièr,
L’aute y pense l’aute mangniè. Alorsse, au mié pas séye contente pèsonne.
(5) Ça même qui mo oulé faî zot comprend:
Ein zou, ein pauv’ vié zhabitant, ti oulé alle vanne son bouique.
Y décenne en ville èque son gâçon pou mette bouique en vente.
Pou zot pas fatigue bouique, zot porte li dans bancâ [50].
Promié doumoune qui zoinne zot, y commence rié: Qua! qua! qua!
(10) "Zôte! vine guetté miraque!! Zott prend la peine fatigué,
Pou amène bébête qui ana li pié pou mâcé?
Li dos bouique ine faî exprès pou amène doumoune ça!"
Là comma zott tanne ça, p’tit gâçon y monté lo lé dos bouique.
Vié bonhomme là y alle à pié… Ein p’tit moment,
(15) Zott zoinne trois nigociants. Zott dî p’tit gâçon:
Pas ou qui doite monte bouique. Ou pas ouâ ou papa y vié?
Ou ou ana bon la zamme, ou encò fò."
Vié bonhomme y dî: Ben oui ; pou faî zot plaisî, moi monté.
P’tit gâçon y décenne, li li monté. Zott alle zot trois.
(20) Ein p’tit moment, zott zoinne trois zenne fi.
Einne y dî: "Mais guette ça bonhomme! Pareil ein vié male macaque lo lé dos bouique.
Ein sac la paille mème ti a pli mié qui li."
L’aute y réponne: "Ça eine bouique lo lé dos bouique ça;
Ou a dî moi y pas honté ouâ son gâaçon [51] après fatigué?
(25) Li lo çouval comma grand blanc!! Guette li!
Pareil ein vié çatte èque son lé dos rond! Bonhomme y réponne:
"Mo ti ana mème nidée qui zott.
Mais zott pas bisoin dî moi tout ça paroles fiçant là.
Là y faî son gââçon monte pà deriè 1i.
(30) Zott pas ti encò faî dé pas, zott tanne doumoune après causé:
Y dî: "Ça bébète là doite fatigué! Pas zouzou amène dé gros lé cô comme ça.
Y faî la peine. Faudrait couâ bouique y ana bon la zamme.
Pou pòte dé gros cadab comme ça.
Bonhomme y commence ouâ tout ça y embètant.
(35) Mâgré tout y dî: "Laisse-moi ouâ, si mon capab faî plaisî tout doumoune."
Zott desçanne tout lé dé, zotte alle à pié derière bouique.
Eine doumoune y zoinne zott, y dî: "Manman!
Mais guette ça zence là! Y après ize zott soulié, pitôt monte lô bouique.
Faudrait couâ qui zotte sotte, oui!! A la fin,
(40) Bonhomme fine en colè. I réponne: "Mô ouâ bien,
Mo pèdi lé temps acoute conseils doumoune.
A présent, quand moin na quéque çose pou faî [52],
Moi pas pou prend conseil èque pèsonne.
Mo faî ça qui mon lé kè y dî moi, moi-mème.

(45) Zhomme là ti ana raison.
Pas b’soin zammais acoute conseil camârde [53].
Sivré ou nidée, pou ou mème.
Zaffai cabris pas zaffai moutons.

21

LE RENARD AYANT LA QUEUE COUPÉE [54]

Grand moune y raconté qui eine zou, réna fine tomme dan lâ soungoula.
A fôce débatte, y réissi sôti, mais son la qué y resté pris dan lâ.
Réna y commence maziné qui mangnière y a fai
Pou empèce son camarade riye li.
(5) L’hè y fine bien maziné, y trouve ein mangniè; y content.
Ça zoù là mème tout réna dans pays ti pou assemblé;
Zot ti ana eine zaffai pou arranzé.
Papa Réna, pou empèce les zot ouâ son la qué coupé,
Y resté assise tout lé temps, lô canapé. Là, y dî:
(10) "Zot conné dimain nou pou alle dans poulayé.
Mo couâ nous a capab bien entrer, bien sôti,
Mais pou ça y ana quèque çose qui faudrait fair [55].
Y ana ça la qué, qui zène zène nous, quand nous oulé tayé.
Quand nou gangne pris, touzou pà la qué. Mô couâ nou ti a fair bien,
(15) Pou empèce malhè tomb’ lô nous,
Coupe tout la qué ein coup."
Eine Réna qui ti ein pé malin, y dî li: Ça y vrai ;
Mais nous ti a content, si ou ti a lève douboute ein pé."
Réna y bisoin lévé; zott ouâ mongnon la ké qui resté.
(20) Zott commence riyé: Qua! qua! qua! qua!
Pauve Réna y gangne honté, y tayé,
Y alle caciette dans bois.

22

L’AIGLE, LA CHATTE ET LA LAIE

Trois zanimaux ti resté ensemb’ dans ein gros pié di bois.
Coçon, li ti fine fair son la caze, en bas, dans racine,
Ein pé pli haut, cotté brance y commence poussé, çatte ti fair pou li.
L’aigue, lé temps li eine zoizeau, tout à fait la haut, dans brance.
(5) Tous les trois ti ana piti. Ein zou, çatte y déçanne cot coçon, y dî:
Mo ti alle rode môceau la vianne salé, là haut cot l’aigue, pou fair carry,
L’aigue y dî moi: Attanne dé trois zou, mo couâ moi capab donne ou;
Promié fois qui coçon va sôti, moi vole son piti."
Y montré moi son di sel èque son potice, tout paré,
(10) Pou mette ou piti quand y a fine salé.
L’hè çatte fine fini dî ça coçon, Vrap!
Y monte cot l’aigue; y dî: "Bonzou, comè.
Moin na quèque çose pou dî ou: côçon en bas,
Y fouille tout lé temps, pou déracine pié di bois.
(15) Alà mo préveni ou azord’hi, à cause ou a capab gangne malhè.
L’hè y a fine détè tout racine, pié di bois y a tombé.
Si nous pas là, l’hè y a tombé, coçon y a manze nou piti.
Moi, moi fine trouve eine l’aute p’tit place, pou moi sauvé.
Grand mèci bon Dié, mo vine à bout amène zot èque mon lé dent.
(20) Tantôt nous a sauvé, bien comme y faut.
Alà mo fine avèti ou ; faî attention, ça pas zouzou."
Alà à présent, tout les dé Maman piti
Qui pas pense si çatte après faî zott ein nice,
Pas oze sòti pou alle rode manzé.
(25) En gâ l’hè zot va déhò, malhè va arrivé derrière.
A fôce resté sans manzé, tous lé dé y crévé.
Çatte, qui ti après veille ça mème,
Y mette zott dans son mâmite, y invite tout son zami.
Y fai bon carry èque coçon, y faî bon bouyon èque l’aigue.

(30) Ça y faî nous ouâ, quand doumoune y oulé faî di mal,
Diabe y donne zot l’esprit
Zott pas doite zamais bliye méfié
Gence qui ana bon parole.

23

LE LOUP ET LA CIGOGNE [56]

Zott conné comma Loulou y goûmand,
Y content manze vitement vitement.
Ça eine mauvais zanimaux qui ana tout sôte vices
Y pli volè qui çatte; mais y pas oulé manze lé rat.
(5) Son manzé pou li, bon mouton, poule, cabri, dinde, coçon.
Y pas oulé faye faye manzé, son la tabe touzou bien gâni.
Pli mié qui la tabe blanc. Ein zou, y ti faî eine diner èque ein p’tit mouton.
Y avale eine lé zo en travers,
Lé zo y resté pris dans son la gôze. Mâgré tout, y pas tranglé,
(10) Mais y commence toussé coma zence potrinaire: Quehein! quehein!
Eine ouasine y tanne li, y dî: "Compè, qui ou gangné?"
– "Pas causé, comè; mo fine gangne tranglé. Ou pas capab
Séye tî ça lé zo là dans mon la gôze?" L’aute y dî:
"Laisse moi séyé. Douboute droite, ouvè ou la bouce."
(15) Loulou y ouvè son grand la gaîle, ou a dî eine four.
L’aute y fouyé la dans èque son la bèque.
A fôce rodé, y trouve ça lé zo là, y risse [57] déhò, bien come y faut.
(Moi ti oublié dî, ça ouasine là ti ein fémelle còrbizo.)
L’hè ine fini, y demanne Loulou son l’âzent. - "Qui ou dî?
(20) L’âzent! Ou pas dî grand merci mo pas ti avale ou,
Quand la moitié ou lé cô ti dans mon gaîle? Foulcan!

Dipis ça zoû là zot dî qui bèf,
Zamais dî mèrci la terre cot y manze zêb.

24

LE LION DEVENU VIEUX

Zot conné qui Lion pli fô qui tout zanimaux dans bois.
Ça fait, ti ana eine, eine fois, qui ti proce pou mô.
Y ti fine vié, vié tout à fait. Y ti malade dans son la caze.
Pôv vié bête! Ti faî la peine tanne li plaingné!
(5) Les zaute zanimaux qui ti haïe li,
Y vine çaquine son tou, pou flanque li ein coup.
Çouval y avancé: Bif! ein coude pié dans la gaîle, casse son lé dent.
Beffe, son tou, y donne li ein coude cône,
Loulou y donne li ein coude lé dents: Yang! Zisqu’à çatte,
(10) Qui vine donne li ein coude griffe! Pauv’ Lion y dî:
"Bon Dié qui maîte! P’tête y faî moi souffè tout ça là,
Pou mette moi dans Paradis!" Y sippôté, y pas ni miré.
Ein p’tit moment, y ouâ bouîque vini, pou batte li, li aussi.
Lion y commence pléré; gros di lo y coulé dans son li zié. Y dî:
(15) "Bon Dié, Seignè! Guetté, quand ou dans malhè, ça qui arivé!
Zisqu’à bouique aussi, qui vine batte moi! Non, ça trop fô!
Au mié bon Dié y faî moi mô, pitôt.

[Ça lion là y comma commandè.
Quand zot fine gangne malhè, zot pas commanne encô.
(20) Zot resté travaille dans zâdin, nous pli fô qui zot,
Zot paye malice qui zot ti faî nous, l’hè zot ti tiombo rotin.
Pli faye nègue dans la cou
Y vine fou li coude pié!] [58]

25

LE LION AMOUREUX

Dans temps qui zanimaux ti conne causé,
Quéque fois ti ana pâmi qui ti ana toupet rode marié èque dimoune.
Ça y drôle mais ça y vrai mèmme.
Alorsse eine zou, eine Lion en passant prôce la caze eine blanc,
(5) Y ouâ zenne fi ça M’sié là après faî ein bouquet flè.
Lion y ouvè son gros li zié, y ouâ ça fiye la zôli.
Tout souite, y commence content li. Y na pi dômi, ni manzé, ni boir.
Zisqu’à la fin y pas capab tini. Y envoye son maman,
D’manne ça fi là en mâiaze pou li. Papa fiye là y dî:
(10) Mon fiye y bon pou mâié, oui; mais solement,
Lion pas ein zhomme pou moi donne mon fiye, ça.
Son grif’ va déçire la po mon pitit. Ein zhomme comme ça, ça eine malhè, ça.
Mais si y pè l’amoû y a faî li mô, dî li coupe son griffe,
Quand y va na pas grif’, nous a ouâ ça."
(15) Zot alle raconte ça Lion. Lion y réponne: "Ça pas bien difficile,
Ça pas nâien. Moi faî zot ouâ, ça qui ein zhomme y capab faî,
Quand l’amoû fine entré dans son lé kè."
Là mème y prend ciseau, y coupe zongue au ras la peau.
Quand y ti fine faî ça, Papa mamzel là, y dî:
(20) "Mais ou ana gros li dent. Mo pè, quand ou embrasse ou madame,
Ou li dents a perce son la lêve."
Pôv Lion y trouve ça ein pé embètant; mais y dî:
Pisqui mo fine déza coupe mon zongue, mo pas capab réquilé.
Mo conné, quand moi fine tî tout mon lé dents,
(25) Moi blizé manze la soupe tout le temps.
Mais pisqui mon lé dents doite tombé quand moi fine vié,
Mo capab faî ârace tout à présent mème."
Ça fait, y envoye çasse Bomme Antoinne, qui conne arace lé dents;
Y faî tî tout, eine après l’aute. Après ça y faî dî ça M’sié là:
(30) Mo na pas ni zongue, ni lé dents.
Faî dî moi, si mo capab vini, à présent." Papa là y dî oui.
Zisqu’à ça zou là y pas ti mette l’aute quéque çose
Qui cimize guingan, çapeau d’paille 50 sous, gros soulié.
Y oulé habillé à présent: Y alle magasin la môde,
(35) Y aceté eine rédingôte pou li vine zôli gâçon.
Y faî taille eine quantité quilotte, l’hâbit, zilet dé d’sous.
Y alle cot côdongnier, y aceté trois paî bottes, dé trois paî soulié,
Y aceté foulâ, ein monte èque ein la çaine,
Doumoune mème ti honté, ouâ li faî tout ça bétises là…
(40) Quand y ti fine habiyé bien comme y faut,
Dipis li pié zisqu’à la téte, raide coma ein baramine,
Y allé, pou li faî l’amoû…
L’hè y arrive dans la coû zenne fî là,
Qui zott couâ y zoinne? Y trouve ein banne li cien
(45) Qui commence faî tapaze, aboye èque li, zappé, môde li,
Déçire tout son quilotte… Tout domestique,
Ein banne mâmaille, y vine èque gros baton.
Zott tout zot tomme lô son lé dos, batte li, ou a dî zourite;
Faî li danse eine bon dansé. Ala pôv Lion qui fine pris!
(50) Dans tout son bel costime! Y ti na pas ni lé dents pou môdé, ni zongue pou griffé.
Y ti bisoin souffè tout çala. Y ti ouâ, mais trop tâ,
Qui fiye là pas ti pou son néné.

Dans ça zistoî là, y ana bôcoup parole pou comprend:
Zence qui pas content mangnié qui bon Dié ti faî zott,
(55) Y capab sî plaingne malade lé dos après.

26

LES MEMBRES ET L’ESTOMAC

Ein zou, li pié y dî èque la main: "Faut couâ nous dé là, dé sottes
Pou travail tout la zounée, pou faî plaisî les zautes.
Einque [59] vente tout sel qui profite tout. Lé temps qui tout ça y fini.
N’a dé quoi pou en colê. Coma moi, moine décidé
(5) Passe la zounée azord’hi nâien faî.
Moi pas oulé mâce encô pou porte les zautes.
Ou, contigné travaille, si oulé." La main y dî:
"Ça eine raison. Ou qui passe dans la boue, dans piquants,
Dans tout môvais cimin. Gangne piqué, gangne crab, gangne foulé.
(10) Moi mo encore plis malhéré qui ou. Mo pas gangne nâien,
Dans tout ça travail qui mo faî. Pou qui nous reinté?
Tout l’temps pou vente. Est-ce qui nous domestique vente?
Pâdon Seignè! Moi mo pas couâ si bon Dieu qui fine arranze ça comme ça.
Ça pas zisse, ça. Libêrté pou tout doumoune.
(15) Nous pas capab touzou souffè pou donne vente manzé.
Moi moi faî coma ou dî." Alorsse lé dos,
Qui ti après acoute tout ça y dî zott: "Ça pas eine paôle ça.
Mon camarade, acoute-moi bien: "Dans lé cô doumoune
Çaque môceau y ana son l’ouvraze pou faî.
(20) Ça qui eine y faî ein coté, y nécessaî [60] pou tous les zautes;
Quand vente fine manzé, pas li qui profité.
Ça y sêvi pou donne-nous la fôce. Li son l’ouvraze dizéré
Faî bon di sang, bon la graisse. Donne çaquine p’tit môceau pâtout pâtout,
Pou soutni la vie bien comme y faut. A soir après la côvée,
(25) Zot n’a pas nâien pou faî. Zot alle dômi tandisse qui pôv vente
Faudrait qui li travaille la nouite coma li zoù.
Y pas conne réposé ni dômi comá nous.
Pèrsonne pas conné qui la peine y gangné.
Mon zamis, tout ça qui bon Dié y faî y bien faî.
(30) Çaquine doite ête faî son pâ l’ouvraze lô la tè.
Ala moi! Ouli ça qui plis môvais la çance qui moi?
Mo couâ dans Ciel, plis bon place va pou lé dos.
Si li pié y oulé alle marron, pas li qui payé.
Si la main y oulé faî paresse, pas lô li qui zott tapé.
(35) Tout zaffaî y tomme lô moi. Et zott vine à bout dî moi mo paresse!
Moi ti a plis content toûne eine la melle, pitôt.
Mazine ça qui mo dî là; moi pas béte.
Gence qui fine souffè, y conne la misêre.
Pitot, faî çà qui bon Dié y oulé: Ça la loi, ça.
(40) Si eine entré nous y a révolté, pêrsonne pas capab vive.

Quand memme lé dos ti fine dî çà,
Li pié èque la main pas oulé conveni.
Zot resté dans la caze; pas oulé travail pou donne vente manzé.
Dé trois zoû après, la faim y commence ravaze zott.
(45) A fôce boî di l’eau, pôv vente y vine gros comma calbasse.
La main y vine tout maig maig.
La peau y vine flaque, zamb y vine coma eine bâton.
Pas ni capab faî li pié mâcé. Zot tout y mô…
Noîrs, mon camarades, zot la main èque li pié:
(50) Pas b’soin zamais blié dévoué zot pou boûzois.
Çà vente, çà.

27

LE BERGER ET LA MER

Eine nègue eine fois, ti fine réissi gangne ein p’tit troupeau cabri.
Ti ana cinq. Y loué ein p’tit môceau la tê, bô la mê.
Y pas ti gangne bôcoup l’âzent, mais li ti content.
Tout les zoù y ouâ navîr qui vine débarque ein quantité mâçandises:
(5) La boisson, la toile, tout quéque çose. Gence qui amène ça,
Y dî zot gangne plein l’âzent presqu’ sans faî nâien.
Nègue la y dî: "Si mo vanne mon cabri, moi gangne l’âzent;
Moi capab mette dans zaffaî. Moi aussi, moi vine gros zence.
Tout d’suite, y vanne son cabri; y mette l’âzent dans ein navî contravention.
(10) Navî y allé. L’hè y arrive èque marçandize,
Gâde qui ti après veillé coma çatte y veille lé rat,
Y saizi tout mâçandize. Ala pôv zhomme là,
Qui bisoin loué son lé cô èque tranzé, pou capab vive.
A fôce travail, y gangne encô ein pé l’âzent, y aceté dé trois cabris.
(15) Son troupô y péplé... Ein zou, y ti après guette lô di l’eau salé,
Y ouâ ça navî qui vini pou déçaze encô mâçandize.
Capitaine y appelle li; y d’manne li si y pas oulé mette l’âzent dans eine zaffaî encô.
Y réponne: "N’a pas moi!
Ou oulé mo donne encô mon l’âzent gouvênement?
(20) Hé hé! Moi pas bisoin faî encô bêtises comme ça.
Mo bien coma mô été.

28

L’ÂNE ET LE PETIT CHIEN

Ein zou, dans la caze ein blan, ti ana ein p’tit li cien.
Mo pas conne bien si ti ein male ou bien ein fémelle;
Tout ça qui mo conné, y ti bien zôli. Son maite ti content li.
Si zot pas ti mette li à tabe comma tout doumoune, l’hè diner,
(5) Pas dî zot pas ti oulé. A cause y pas ti capab resté assise droite lô son courpion.
Çà zaffaî là, y pas ti vine à bout di tout.
Après aussi, y pas ti oulé sêvi ni couteau, ni foûcette, ni sêviette.
Y dî: "Bon Dieu ine donne moi bon lé dents pou manze avec.
Y ti donne moi mon la langue pou souyer." Y pas ti ana tô.
(10) Si ti envie allonzé, canapé ti là, pou ça. Si y ti envi dômi,
Robe Madanme y sêvi matlas. Et pis zott ti resté embrasse li,
Donne li bonbon, faî li dômi dans bêceau ou a dî p’tit zenfant.
Y ti capab vanté qui li ti bien héré.
Malhérézment tout doumoune pas na memme bonhè...
(15) Ein bouique la coû qui ti ouâ tout ça là, y dî:
Mais mo ti a capab faî plisse plaisî mon maîte,
Qui ça vilaine p’tit li cien là. Qui empèce moi faî coma li?
Si zott oulé bien guetté zot a ouâ qui moi ein plis bel zhomme qui li.
Dimain faudrait mo séyé… Son lend’main, ala pôv bète,
(20) Qui entré dans salon; y saute lô canapé èque son gros la patte sâle.
Y oulé embrasse Madame. Y saute à tê, lève ein la patte
Pou faî coma li cien lô savatte M’sié qui ti à tê.
Faî eine la mâ dans salon. Ala Madanme qui envoye la ouâ.
Tout domestique y arrivé èque batons, rotins; zot tomme lô M’sié,
(25) Eine eine côté, l’aute l’aute côté. Donne li ein bon p’tit bôdée
Pou montré lî faî malin.

Tout ça y montré zot, camarades,
Qui faudrait pas çerce flatté.
Bon valé y gangne touzou la ké coupée.

29

LE COMBAT DES RATS ET DES BELETTES

Quand mème sêpent pas ressemblé çatte
Mais tous les dé y haïe lé rats. Ou a dî bon Dié
Ti faî les rats pou zot manzé. Tout ça la môvais bébètes.
Çattes, les rats, sêpents, moi pas conné aque faî zot lô la tê.
(5) Pisqui bon Dié fine faî zot, faudrait couâ ti nécessaî.
Bon Dié y conne bien ça qui li faî.
A présent moi raconte zot eine zaffaî qui ti passé longtemps,
Entre lé rats èque sêpents. Lé rat ti oulé la guê.
Alorsse zot commence faî préparatifs tout cotés,
(10) Zot rassamblé; zot çoisi sêzents, zofficiés, ceffes, zot exêcé.
L’hè zot ti fine bien exêcé, zot ti couâ zot fôr.
Zot tout zot sôti déhô pou alle attaque banne sêpents.
Zot zoué ein p’tit l’aîr d’marce, tout zaffaî.
Mais l’hè zot fine arrive divant banne sêpents,
(15) Là qui ti ana zaffaî!! Zofficiés lé rats y commance d’manne di lo di sic.
Mâgré tout, quand memme,
Zot tremblé la pê, zot commence la guê.
Mais l’hè zot ouâ grains di plomb y tomme coma la pli
Zot tout zot envie tayé. L’hè zaffaî y après çauffé,
(20) Zot tout zot sauvé. Zot tout zot dî: Avant nous mô,
Bon pié, sauve môvais lé cô."
Soldats, zofficiés, tout doumoune y tayé à présent.
Soldats y entré dans tout p’tit trous, dans tous la fente qui zot trouvé.
Banne ceffes, zott, ti fine mette ein nespèce plimet pou distingué.
(25) L’hè zot oulé entré dans trou, pas fouti; plimet là y zenne zot.
Ça fait, zot oblizé resté déhô. Sêpent y tomme lô zot, y touye zot en masse.
Eine, pas ti çappé.

[Maziné qui massac sèpent ti fai èque zot!
Coma dit ou zette p’tit mil dans poulayé
(30) Eque poule qui habitié manze di riz.
Zizé ou memme qui dégat!] [61]

30

LE LOUP, LA CHÈVRE ET LE CHEVREAU

Ein zoù ein fémelle cabri y alle rode manzé.
Avant y sôti, y fême bien son la pôrte à cause Loulou.
Après, y dî son pitit: "En gâ ou ouvè la caze!
N’impôte qui cenne la qui vini, mo défanne toi réponne.
(5) Faî coma dî ou dômi. Ou tandé, hein? Solement,
Si ça doumoune là y dî: "Q… Papa tout Loulou"
Toi conné par ça paôle, qui ça ein bon zanimaux;
Alorsse, toi capab ouvè la porte. Coma y dî ça, y allé.
Ça l’hè là ein gros papa Loulou ti fine caciette déièr la caze cabri.
(10) Y tanne tout ça qui Maman cabri après dî.
Tout souite, y pas pêdi le temps; y vine congne la pôte: to! to!
"Ouvè, pou moi gangne môceau di lô." P’tit cabri y réponne:
"Moi pas ouvè ; mo pê." – "Qui ou pê?" – "Mo pê Loulou."
Hân! Loulou qui ou pê! Q... papa Loulou pas mon fâmi, ça."
(15) Cabri y dî: "Zoû Loulou si ou oulé. Mais pou moi ouvè la pôte,
Faudrait ou montré moi ou la patte. Si li blanc,
Alorsse ou pas Loulou. Là, Loulou ti ouâ qui p’tit cabri
Ti plis malin qui li. Y viré y alle dans son la cour.

31

LE LOUP, LA MÈRE ET L’ENFANT

Eine [62] doumoune eine fois, ti fine faî son la caze, loin dans bois.
Ein zou Loulou y vine masqué au bô la caze, pou rode manzé.
Dipis longtemps, y ti après veillé, y ti commence fatigué;
Y ti proce pou li allé. Là, y tanne ein piti crié. Y tanne son Maman dî:
(5) "Si ou pas bouce ou la gaile, moi zette ou èque Loulou...
(P’tit mâmaille bon ragout ça, pou Loulou).
Loulou y commence aranze son la gaîle déza.
Pitit coma y tanne nomme Loulou, y crié coma çatte matou.
Alorsse femme la y dî: "Mon pitit, pa pê. Si Loulou y vini,
(10) Nous a touye li coma ein vié li cien."
M’sié y tanne ça y dî: "Ça pas bien, ça aque faî côse dé paôle?
Mais nâien; si mo zoinne ça p’tit mamaille la déhô,
Y a conne moi... Coma y dî ça, eine li cien y entré dans la coû.
Y saute lô Compè Loulou, y arrête li. Banne zence y vini èque ba¬tons,
(15) Zot demann Loulou: "Qui ou faî, là?" Loulou y dî: Mo ti après passé,
Mo tanne Madanme là côsé. Mo ti couâ tout paôle blanc y la vérité
Mais mo ouâ bien qui ça pas comme ça." Femme là y dî:
Eh ou, Loulou; esqui ou couâ mo ti a donne ou mon pitit,
Qui mo ti gangne la peinne pôte neffe mois dans mon vente?
(20) Mais ou fou, qui ou gangné? La zotte tout y tomme lô Loulou,
Assomme li coma zouite. Après ça zot touye li.

32

L’AVARE QUI A PERDU SON TRÉSOR

Ein zoû ti ana eine bonhomme qui ti ana l’âzent en masse.
Y fouye ein trou dans milié cimitiè, y entê son l’âzent.
L’hè y ti fine caciette ça, à tout l’hè y vine guetté,
Pou ouâ si tout y là memme. A fôce allé vini, toûné, viré,
(5) Ein l’aute zhomme y ouâ li. Y pas dî nâien, y laisse li allé.
L’hè y ti fine allé, ça zhomme là y prend l’âzent y foulcan avec.
Son lend’main l’hè bonhomme y vini, n’a pas l’âzent.
Y commence gailé, batte son lé cô, y dî bon Dié faî li mô.
Eine l’aute zhomme qui passé, y d’manne li qui li gangné.
(10) "Qui mo gangné? Zot fine coquin tout mon l’âzent!" – "Ou l’âzent?"
Mais à cause ou pas ti mette li dans ou la case? Aque faî ou ti mette dans la tê?
Ou ti a capab visite li tous les zoû sans crainte volê.
Quand ou ti va bésoin aceté quéque çose, ou pas ti va gangne la peine alle si loin.
Ou ti a trouve li proce lan memme." - "Qui ou dî? Depensé?
(15) L’âzent trop difficile gangné pou dépense li comme ça."
L’aute zhomme y rié, y dî li: "Ah ben à présent entê ein roce dans son place.
Va la memme çose pou ou comme si l’âzent y lan memme.
Quand doumoune y ana l’âzent, c’était pou sêvi li.
L’hè nous mô, quand y mette nous dans trou, qui nous emmenné?
(20) Nâien. Y ana zence rice qui prive zot lé cô tout quéque çose.
L’âzent ti faî pou dépensé.

33

LE POT DE TERRE ET LE POT DE FER [63]

Eine zou ti ana eine çaudiêre [64] èque ein gros pot [65] latê.
Zot [66] ti tout l’temps lô foïer dans la cousine, au bô di fé.
Çaudiè y dî: "Mon camarade, assez çauffe di fé comme ça.
Guette mangniè nous [67] été: nous gangne crab, tout sorde zaffaî dans la cende là.
(5) Si nous ti va alle promné, nous ti a amise ein pé [68].
Anou sauvé nous dé." - "Qui l’hè?" - "Dimain." - "Eh ben bon!"
Son lend’main zot dé zot [69] entré dans la riviè.
Çaudiê y commence congne l’aute; y donne li coude pié dans côté.
Prémié coup mèmme, pot y félé. Déziemme coup y cassé.
(10) Y dî çaudiê: "Mon camarade, faî attation!" Çaudiê y réponne:
"Na pas moi l’autè; la riviê qui faî ça." Comma y dî ça,
Yi donne encô ein coup. Pot y défoncé, y coule dans fond li lô [70]...
Pas bisoin rode fréquentation èque zence qui plis fô qui ou.
Ou risqué touzou gangne ein môvais coup.

34

LE PETIT POISSON ET LE PÊCHEUR

Ein zou bon matin, ein vié bonhomme ti après la pèce èque zain [71]
Ça mangniè la pèce là, y difficile gangne poisson.
N’impôte qui faye quéque crocé, ou bisoin mette dans ou pangnié.
Vié bonhomme là ti là dipis ein hè de temps; y ti assise lô roce
(5) Au bô la riviè pareil ein gros male macaque sans gangne naîen.
Son dé la zammes mème ti fine engoûdi. Y ti commence envie dômi.
Y ti ana doulè dans li cou. Ein p’tit moment,
Y senti rhissé ein bon coup. Ein poisson ti fine môdé. Y rhale li,
Bien come y faut. Y trouve ein p’tit p’tit milet grossè p’tit doigt.
(10) Tout souite y prend son pangnié, pou mette poisson là dans.
P’tit milet y dî: "M’sié, ou pas ouâ moi pancore bon pou manzé?
Qui bouyon ou a capab faî èque moi? Moi pèdi dans mâmite.
Largue moi pou azord’hi. Espère encô ein pé, moi vine plis gros.
Ou a vine la pèce moi encore, ou a vanne moi èque grand blanc
(15) Va paye moi çèr." Pécè y dî li: "Si ou couâ moi ein sotte,
Ou ana tô. Mon piti, pisqui mo fine tiombo ou azordi,
Faudrait ou alle dans mâmite. Gras, maigue, gros, piti,
Moi pas capab aspè ein l’aut zou. Moi mette ou dans mon vente.
Nous aussi nous doit ête prend tout ça qui bon Dié y envoye pou nous,
(20) N’impôte qui ci ça.

35

LE CHEVAL ET LE LOUP

Ein zou bon matin ein Loulou y sôti dans son la caze.
Y ti mô la faim. Dipis la veille y pas ti encô manzé.
Y arrive dans la plaine, y ouâ ein çouval. Y dî dans son lé kê:
"Ala bon manzé pou moi! Si mo ti capab tiombo li,
(5) Amène li plis loin! Mais qui mangniè moi capab faî?
Ça pas mouton ça; faudrait faî malin bougue èque li.
Faudrait sèye prend li en doucê." Y arrive cot çouval, y dî:
"Bonzoù M’sié. Coma ou ouâ moi là, moi eine doctè.
Quand menme mo encô zenne mo conne bôcoup la tizânne
(10) Qui mo faî èque p’tits zêbazes. Là, mo vine rode ein qualité zêbe
Qui mo bisoin. Si quéque fois ou malade, pas b’soin alle
Cot l’aute doctè. Moi donne ou bon la tisane, bon longuent
Sans faî ou paye nâien." Çouval y réponne:
"Moin na ein gros piquant citron qui fine entré dans mon talon;
(15) Gangne la bonté guetté, si ou plait, si na pas la cangrène."
Loulou y avance par dérière, pou guette li pié là;
Comment y prend son l’élan pou saute lô çouval,
Çouval y fou li ein coude pié dans son la gaile, casse tout son lé dents.
Y ti resté sais pas combien zoù mange nèque di lo canze.

(20) [Çan memme qui ti a bon arrivé
Eque tout doumoune qui faî mangniè
Pou embête son camarade.
Ça çouval là ti ein malin bougue, ça.] [72]

36

LE LABOUREUR ET SES ENFANTS

Zott conné bon Dieu pas content zence paresse,
Zence qui prétend manzé sans gangne la peine planté.
Qui resté boî grog tout la zoûnée, çauffe di fé dans la cousine
Resté accroupi dans la çanne pou griye bananne èque fri à pain.
(5) Zott vine enflé coma tonne, zott gangne la zoinice.
Zott vente y vine enflé coma vente femme enceinte.
Ein [73] zoù zot a crévé sans gangne lé temps confessé.
Ça pas eine la vie pou ein chrétien faî, ça.
Quand mênme bon Dié fine donne zot de quoi,
(10) Travaille touzoù, pou soulaze ça qui malhéré.
Ça même ein zoù, ein vié zhabitant qui ti prôce pou mô
Y dî èque son trois gâçons: "Zenfants, acoute bien
Ça qui papa pou dî zott. Zott conné mo quitte ein p’tit môceau la tè pou zott.
L’hè moi fine alle dans cimitiè, pas b’soin zamais vanne ça la tè là.
(15) Moi pas rapplé qui côté, mais si zot oulé oquipé [74],
Fouye fouye pâtout pâtout; à fôce à fôce, zot a trouvé..."
Là, quand zot papa ti fine mô, ça trois gâçons là,
L’hè zot ti fine pléré bien comme y faut, y commence piocé,
Piocé, piocé dipis bon matin zisqu’à à soir.
(20) Zott fouye pâtout, boute pou boute. Zott pas trouve ein sou.
L’hè la tè ti fine bien piocé comme y faut, eine là y dî:
Qui nous a faî, à présent? Anou mette mangnoc, patate, bannanne,
Giromon, tout sôte plantaze là dans." Les autes y dî: "Ben oui."
Là zott commence plante tout sôde qualité léguimes.
(25) L’hè fine bon, zot commence vanne. Zot gangne plein l’âzent,
Zisqu’à zott ti vine à bout louer ein zhomme pou travaille èque zot.
L’hè plis p’tit gâçon y ouâ ça y dî: "Zott, papa ti ana l’esprit;
Y ti conné y pas ti entè l’âzent; y ti dî nous ça pou faî nous travail.
Grand mêci bon Dié à présent nous conné
(30) Qui n’impôte qui travail ou faî, ou trouve 1’âzent
Qui bon Dié fine caciette là-dans pou ou.

37

L’ÂNE PORTANT DES RELIQUES

Ein [75] zou eine bouîque ti après amenne rélique
(Moi pas bisoin explique zot qui ci ça relique.
Si zot chrétien zot doite ete conné qui rélique y faî avec lé zo lé saints)
Alorsse dont, tout bande chrétien qui zoinde li,
(5) Y faî la prière, y çante cantique divant ça rélique là.
Bouique coma y ouâ ça, y couâ zot faî tout ça cérémonie pou li.
Son nennen y gonflé, y couâ li ein grand M’sié.
Ein doumoune qui ti ouâ son bétise y dî [76]: "Zott!
Zott fine déza ouâ miraque comme ça? Guette ça bouique-la,
(10) Mangniè y vantâ! Coma dî li qui bon Dié!
Non zott, mais ça trop fort menme!" Là y prend son bâton
Y tomme lo lé dos bouique, boum! boum! Donne li son quantité.

Ça bouique là y pareil domestique qui sêvi dans la caze bouzois.
A cauze zot bien habillé, zot couâ zot plisse qui nous qui tiombo pioce,
(15) Zott couâ zot fine çanze la peau, zot couâ zot grand M’sié.
Mais zot lé dos pas à l’abri, quand menme;
Na d’zoû commandê y fou zot zott quantité.

38

L’AIGLE ET LE HIBOU

Quéque fois mo embarassé l’hè mo oulé raconte zot ein zistoî.
A cause mo nomme bébête tout sorde pays, qui zence ici pas conné.
Ala l’aigue là, ça eine zoizeau plis gros qui tout zoizeau.
Y pas manze lé ver ou bien frits, coma mêrne [77].
(5) Y manze gros gros zanimaux. Y pli fô qui tout zanimaux.
Hibou au contraire, pô diabe, eine bébête qui touzou gangne pè.
Y faye faye, y capon, y paresse. Li eine zoizeau môfine.
Y vilaine comà pas possibe…
Eine [78] fois l’aigue èque hibou ti fine faî zami:
(10) L’aigue ti fine faî sêment, quand menme y a mô la faim,
Zammais y pas a manze pitit hibou. Mais hibou y dî li:
"Mon frè, ou pas conne mon pitit. Si ein zou zott tomme en bas ou la patte,
Ou a manze zott sans conné si mon pitit." L’aigue y dî:
"Ah ben, pou empèce ça malhè la arrivé, dî moi comment zot été."
(15) Hibou y réponne: "Mon pitit y zôli, y bel, y mignonne comma pas possibe.
Alà tout çà qui mo capab dî ou…"
Alà au boute quéque temps, bon Dié y donne hibou dé trois zenfants.
Ein zoù à soir, hibou y trouve gangne bisoin sôti.
L’aigue y passé y trouve pitit hibou. Y ouâ quate cinq p’tit zoizeau
(20) Dans trou ein vié miraille sombe sombe; ti pareil ein banne p’tit diabe.
L’aigue y dî: "Ça vilaine p’tit bébête qui dans trou,
Pas pitit mon commè, ça. Ça moi sî... Là, y pas faî ni eine ni dé,
Tout souite y commence soupé èque p’tit zoizeau. Y avale tout.
Y quitte zisse son la patte dans nique pou son manman.
(25) L’hè Maman hibou y arrive côt son nique, y couâ son pitit y dômi.
Y guette dans trou, y ouâ nèque la patte! Y commence gailé:
"An moun Dié! Pas na l’aute qui ça bourreau l’aigue qui fine capab faî ça…"
Y alle pôte ein plainte la police, Zize y dî li:
"Qui oulé mo capab faî? Ou ti dî l’aigue ou pitit plis zoli qui tout pitit.
(30) Si l’aigue fini manze zot, ou menme l’autè.
Y pas ti capab couâ si ça vilaine p’tit démon ti ou pitit.
Hibou einque [79] y baisse la tête en bas…

Y ana ein vié provèr qui dî:
Zammais macaque ti trouve son pitit vilaine.

39

L’OURS ET LES DEUX COMPAGNONS

Eine fois ti ana dé zhommes qui ti alle la çasse dans bois.
Zot ti fine associé pou travail ensembe. Zot ti touye tout sorde zanimeaux.
Çaque fois qui zot gangne bonhè touye eine bébète malfaisant,
La police y donne zot ein bon prix. Ein zou zot ti à sec l’âzent.
(5) Zot ti envie boî ein p’tit grog. Zot alle cot ein blanc, zot dî:
"Nous gangne bisoin ein pé l’âzent; si oulé donne nous d’avance,
Nous a touye ein bel l’oûs pou ou." Ça M’sié y dî oui y donne zot dé trois Roupis.
Zot alle la boutique, zot boî tout ein p’tit moment.
Son lend’main zot alle la çasse. Coma zot arrive dans bois,
(10) Zot zoinne ein papa l’oûs qui commence grongner. Zot mô èque laper.
Ça qui ti divant y bolté. Son camarade y zette son lé côr à tê.
Y faîre semblant mô. Y pas ni bouzé, ni prend respiration, nâien.
L’oûs coma y ouâ li à tê là, y senti senti li, y dî: "Hé! ça y déza pi."
Y bouce son néné, y dî: "Si mo pas sauvé là, mo fouti; ça va donne moi choléra."
(15) Coma y dî ça, y foulcan… Zhomme là y lévé, y dî:
"Si mo pas ti malin bougue, azord’hi mo ti fouti…

[Coma zence qui sôti pou alle dans bois,
La fiève y prend zot dans cimin.] [80]

40

LE COCHET, LE CHAT ET LE SOURICEAU

Ein zoû ein p’tit souris ti manque pris dans pièze. L’hè y tourne cé li,
Y raconte zaffaî èque son maman. Y dî: "Mo ti après alle baingné la riviè,
Mo passe au bô eine la cou, mo allonze li cou pou moi guette enne dans.
Mo ouâ dé nespèce zannimaux. Eine ti coma coude vent, si telment
(5) Y ti faî tapaze. Y envoye son la oua, ou a dî l’oraze.
Son lé bras èque son croupion ti dans ein banne plime coma la qué cervolant.
Lô son la tête ti ana ein môceau la viande; en bas son li cou
Ti ana ein môceau tripe. Dérière son li pied, dé longue piquants.
Comment mo ouâ li, moi haï li tout souite. Mo gangne pê, mo tremblé,
(10) Mon di sang mème y mâcé dans mon lé cô. L’aute zanimau là,
Pas ti pareil di tout. Si mo pas ti si tant pè, mo ti a di li: "bonzou papa"
Mo couâ ça nous fammi; y ana poils lô son lé côr, eine longue la qué,
Zolis p’tits lizié gris. Son la figuî mème y douce. Mo ti tayé,
A cause mo ti pè ça l’aute bébête là. Mo ti zoû li!"
(15) Son Manman y dî li: "Mon pitit, ou doite dî grand mêci ça bébête là.
Ça eine qui ou ti ouâ zôli là, ça y pli méçant qui diabe.
Zot appelle li "çatte". Tout son l’ouvraze lo la tè, nèque manze souris èque lé rat.
Ou bien héré ou ti gangne pè. Sans ça ou ti fine passe dans son vente.
Ça nous bourreau ça. L’aute la qui ou haïe, pas faî nous di mal;
(20) Au contraî, souvent souvent nous manze li.

Y ana bocoup doumoune qui pareil ça souris là.
Zot pas zize zot proçain par son l’esprit,
Zot zize li par son mangniè habillé.

41

LE VIEILLARD ET L’ÂNE [81]

Dans temps longtemps, ein vié blanc ti ana ein mâle bouîque.
Zammais eine bouîque ti capab plis gâté qui ça bouîque là.
Zot donne li tout sorde bon quéque çose, zisqu’à di l’eau di sic.
Son maîte ti trop content li. Pas bon gâte noirs. Ça y faî zot gangne malhè
(5) L’hè zot çanze maîte après. Ça bouîque là ti grandi dans la caze memme.
L’hè y ti fine gros, son maite y çoisi li pou faî son montîre.
Mais ça pas ti eine travail nâien di tout; maîte là ti vié, zamais faî la coûse.
Solement tous les dimances y desçanne doucement doucement pou alle la messe.
L’église ti prôce, là memme. Bouîque là ti ana la çance memme.
(10) Ou a ouâ, ta l’hè qui mangniè y ti faî son maîte, pou grand mêci.
Doumoune y na raison dî: "Zamais noirs y trouve li bien cot li été…"
Ça fait donc, ein zou, ça vié blanc la ti lo lé dos bouique en sôtant la messe,
Zot passe cot ein p’tit çan fataque. Bouîque y dî: "Maîte, mon gosier y sec,
Laisse-moi manze ti môceau." Son maîte y dî oui. Y desçanne,
(15) Y tire son la bride èque son la selle, y laisse li allé.
Bouîque y manze bien comme y faut, y sauté, y roulé, y faî tout sorde cent coups.
Ça l’époque la ti ana la guèr. Ti ana plein anglais pâtout pâtout.
Ein p’tit môment, son maîte y ouâ anglais vini. Y crie bouîque: Vini!
Anou allé! anglais y vini, anou sauvé!! Qui ou couâ bouîque y réponne?
(20) "A cause oulé moi sauvé? Mo pas ouâ à cause." - "Ou pas ouâ à cause?"
Ou pas tandé mo dî ou ala anglais y vini? Anglais y a prend ou; anou sauvé."
- "Ah ben! La selle anglais, y plis loûd qui la selle français?" - "Non."
- "Si tous lé dé y pareil, mo fou pas mal. Maîte touzoû maite memme.
Li anglais, li français, tout la memme çose..."
(25) Ala ça qui appelle M’sié Grand Mêci fine mô!

[Ça eine défaut qui ou zouine pâtout, ça,
Zot appelle ça l’ingratitide.
Y ana bôcoup doumoune quand ou ine faî li di bien
Y fou de ou après.]

42

LE CHIEN QUI LÂCHE SA PROIE POUR L’OMBRE

Eine li cien ti sôti bazâ, èque ein môceau la vianne dans son la gaile.
Y passe cot la riviè, y ouâ son l’ombraze dans di l’eau. Li ti l’ambition.
Y pas ti conné qui çi ça l’ombraze. Y ti couâ ein vrai li cien memme
Qui ti après amenne môceau la vianne; y saute lô li pou arrace li.
(5) Ça qui pou li y çappé, y tomme dans coûant. A présent y guetté, y pas ouâ
Ni li cien, ni la vianne; y resté bête, y ouâ son bétise. Li ti comprend alorsse
Qui li pas ti doite largue ça qui dans son la gaile, pou tayé èque l’ombraze...
Ça memme mangniè bocoup doumoune y faî; y en a qui pas oulé
Plante mangnoc, patates, bananne. Zot oulé faî coma grands blancs,
(10) Zot oulé plante toute en la vanni. Y en a qui coupe pié cocos,
Pou mette la vanni. Zot vive dans sangue malbar.
Maladie ou bien la séceresse y passé, tout la vanni y crévé.
Zot mô en diboute, àprésent. Y resté zot, zisse, zot dé li zié.
Pou pléré.

43

LES ANIMAUX MALADES DE LA PESTE

Eine [82] foi ti ana eine maladie qui ti passe lô zanimaux. Moi pas coné qui ci ça;
Sais pas la rouzôle, sais pas la zôlie, moi pas conné. Tout ti tomme malade.
Cimitiè memme ti fine plein, plein, plein. Lion qui lé ouâ zanimaux, y dî:
"Ça pas capab diré comme ça." Y appelle zot tout ein zoû.
(5) L’hè zot tout ti fine rassemblé dans milié di bois, lion y dî: "Mes zammis,
Ala nous tous fine rassemblé ici, quèque fois pou derniè fois. Mo fine appelle zot
Pou pâle zot ça nespéce maladie [83] qui fine tomme lô nous. Faudrait qui nous conné
Qui senne là qui faî bon Dié en colè comme ça. Faudrait nous tout,
Nous a déclaré coma dî èque Pè, tout pécé qui nous fine faî. Comme ça,
(10) Nous a conné qui senne là qui coupab. Moi, pou mon part, mon conné
Mo fine faî grands grands pécés. Mo fine touye ein quantité zannimaux.
Si moi qui l’autè ça malhè là, mon paré pou donne mon la vie."
Macaque, li qui touzou grand flattè, y avancé, y dî: "Mon Maite, azord’hi,
Qui mo ouâ mangniè ou bon kè. Ou trop content nous.
(15) Si ou ti touye zannimaux pou manze zot, ou ti faî zot eine l’honnè..."
L’hè Macaque y fini causé, tout la banne y batte la main. Bouique, pô diabe,
Qui ti dans ein p’tit coin, y avancé son toû. Y commence tremblé, tremblé, y dî:
"Moi moi rapplé ein zou, mo ti fine mâce tout la zoûnein; l’hè mo arrive
Au bô la mâ Pè, mo ouâ ein touffe fataque. Mo ti mô la faim.
(20) Mo allonze mon la langue, mo hisse dé trois feilles. Mo conné,
Mo ti faî ein gros pécé..." Coma les autes y tanne ça, zot crié:
Aïe! aïe! aïe! Coquin zèbes Pè!! Ça memme qui fine mette mofine
Lô nous!" Là zot tout zot tomme lô bouîque, zot ronflé li coude pied,
Coude poing, coude lé dents, coude cônes, zisqu’à pauve bouîque y mô…
(25) Comme ça memme doumoune y faî.
Si ou ein gros poisson, zammais ou a gangne tô. Si ou ein faye bougue,
Tout y tomme lô ou... Quand blanc y boî, y faî tapaze, zot dî:
"Y ein pé déranzé..." Si ein pauve diabe y faî pareil, zot crié: "Mais guette
Ça bougue là coma y sou !!" Tout souite, gâde y lô li…

44

LE HÉRON

Ein zou ein manique ti après promné au bô la riviè. Y ti après fai vantâ,
Pas ti pressé pou dinein. Ça l’hè là, plein poisson lan memme au bô li.
Ein bébète malin ti a dî: Moi la pèce touzou; l’hè moi la faim,
Moi trouve li pou manzé... Li dans son paresse y di: "L’hè moi la faim
(5) Moi la pèce… Aque faî moi entré dans di l’eau, mouye mouye mon li pié
Comme ça memme? L’hè moi la faim; moi baisse p’tit môceau,
Moi gangne de quoi..." Coma y dî ça y foulcan promnein.
A fôce mâce mâcé, y senti la faim, y tourne au bô la riviè. Tout poisson
Ti fine allé!... Y sèye tout mangniè, pas fouti tiombo ein gouzon.
(10) Y ti bisoin alle dômi sans soupé…
Y en a beaucoup pâmi nous qui faî coma ça manique là.
Couâ moi, mon camarades; travail la zoûnée si oulé diné à soir.
Pas l’hè qui pou manzé qui ou a rode quéque çose pou mette dans mânmite.

45

LA FILLE

Ein M’sié bien rice tian na ein fiye bon pou mâié.
Plein gâçons y vine tire coude çapeau divant son la pôte. Fiye là y dî zot:
"Eh! laisse-moi tanquil." Y pas ti trouve ein assez zoli ni assez grand M’sié
Pou mâié èque li. Ein [84] ti ana trop bel li pié, l’aute ti trop vié;
(5) Eine ti mette linette, l’aute ti trop béte. Eine son canneçon ti mal tayé,
L’aute paltot ti trop grand. Ça eine là ti trop gros, ça l’aute là ti trop maigue,
Ein ti trop grand, l’aute ti trop p’tit. Enfin y pas ti trouve eine. Mo couâ
Y ti après espè gâçon ler rouâ. Y pas ti ouâ qui li après monte en graine.
A fôce réfisé, y pas gangne pèsonne aprésent. Tout son camarades y mâié,
(10) Li, li resté comme çan memme. Y ouâ li après vié, y commence çagrin.
(Pas na nâien qui femme y haïé, coma pas gangne mâié.) Y ti rogrette son bétise.
Quand y ti ouâ y pas gangne pèsonne, y ti oblizé mâié èque ein faye zhomme,
Ein vacabond [85], eine nâien di tout... Ça y oulé dî quand memme ou rice,
Ou pas doite méprise les autes. Anh!

46

LA LAITIÈRE ET LE POT AU LAIT

Eine ningresse ein zou ti après alle vanne di lait.
Y ti fine mette son pot di lait lô son la téte. A fôce li ti sotte,
Y ti après cause tout sel en desçandant. Y ti après câlquilé qui y a faî
Eque son l’âzent di lait. Y dî: "Moi asté ein poule; poule y a ponne,
(5) Moi vanne son pitit. Eque l’âzent mon p’tit poule, moi asté ein p’tit coçon
L’hè moi vanne mon coçon, moi asté ein p’tit beffe. Moi vine rice;
Moi gangne zoli zoli linze, moi habiye faraud. L’hè moi alle l’église,
Dans mon zoli robe, èque mon soulié dans mon li pié, tout doumoune
Y a viré pou guette moi; zot a dî: Ça pas zence bon na vini ça!"
(10) Aïe! aïe! aïe! coma y dî ça, son li pié y maye dans ein racine di bois.
Y tomme ventre en bas; tout di lait y çaviré. Pô diabe!
Y commence pléré. L’hè y arrive dans son la coû y raconte ça son mari.
Son mari y flanque li ein bon pile pou montré li faî attention.
Après y dî li: "Moi montré ou compte lô di zeffe dans…… poule, moi!"

47

LES DEUX COQS

Y ana ein vié provêbe [86] dans temps l’autrofois qui dî:
"Touzou, quand zhomme y gangne malhè, femme qui l’autè."
Ça paôle qui vrai memme, ça. Tous les zou ou ouâ ça…

Dé coqs ti bons zammis dans eine la coû. Ein zou ein poule y arrivé,
(5) Ala la guè qui commencé!... Tout doumoune y tayé pou vine guetté.
Au lié zot sèye sépare coqs, zot pousse di fé! Eine y pâié pou ein coq,
L’aute y pâié pou l’aute coq. L’hè la téte coq y saingné, zot content.
Coqs y la guè longtemps; à la fin, eine y tayé. Ça qui ti plis fô
A présent y alle faî vantâ cot poule, y vî vî au bô li y caresse li, y embrasse li
(10) Après ça y monte en l’aî lô ein cicot di bois y batte les zaile y çante: Cocorico!
Tout ça pou faî poule trouve li zoli. Coma y après faî son vantâ, ein gros zoizeau
Y passé, y ouâ li. Y vine en bas en bas, doucement doucement y souque M’sié Coq
Y foulcan èque li pou manze li. A présent l’aute coq qui ti plis faye là,
Coma y ouâ l’aute n’a pas là, y vine cot poule son tour, y vire viré faî son vaillant.
(15) Ou couâ poule li guette li en travers? Na pas là… Y laisse coq faî li l’amoû;
Zot dé zot mâié ensemme mèmme zou mèmme…

Femme comme ça mèmme y été! Tous zhommes y pareil pou zot.
Quand mèmme ça qui na l’esprit, quand mèmme ça qui sotte,
Poûvi y ein zhomme, assez.

48

LES FEMMES ET LE SECRET

Pas na quéque çose qui plis difficile pou aménné qui ein paôle ségret.
Zot dî femmes noî y faibe ça coté là. Ça y vrai. Mais mo couâ y na femmes blanc
Qui plis faibe encô. Acoute ça zistoî qui moi raconte zot: Ein zou,
Ein M’sié ti oulé conné si son femme y content cancan. (Ça, coma dî
(5) Ou démanne mouce di miel si li content sirop.) Ça fait dont, à souâ
L’hè zot ti fine alle dômi, zhomme là y commence crié. Son femme y lévé.
"Qui ou gangné?" - "Mon camarade, mo fine ponne eine di zeffe, guetté!"
Femme y dî: Anh! Quî ci ça!" - "Pas di pèsonne, zot a riye moi,
Zot a appelle moi: Poule." - "Mo faî ou sèment zammais moi dî.
(10) Ou capa batte moi si mo ouvè la bouce..." Son lendemain
Coma y lave la figuî, y alle cot son comè y dî: "Ou pas conné mon ser,
Hié au soî mon mâri fine ponne ein grôs di zeffe! Pas dî pèsonne, y a bate moi..."
L’aute y réponne: "Mo faî ou sèment, zammais moi dî." Quou! coma y allé
Femme la y alle raconte èque tout doumoune. A présent au lié y dî ein
(15) Y dî dix! L’hè soleil coucé zhomme ti fine ponne ein grand pangnié.
(Ou conné quéque çose raconté, touzoù y allonzé.) Ein y dî fine ponne di zeffe lézâ,
L’aute di zeffe dinne, l’aute di zeffe cannâ; ti ana tout sorde qualité di zeffe.
Pauve zhomme à présent y coma Caca Loulou. Tout doumoune y cicanne li.
Banne ti mânmaye y sivré li dériè y crié: "Ala zhomme qui ponne di zeffe."
(20) Zhomme pas conné qui y a faî. Tout ça là, grand mèci son femme.
Quand ein zhomme y ana son paôle pou li tout sel,
Zammais pas bisoin sèye lârgue dans zoreil son femme.
Y a gangne malhè.

[L’hè ou na quéque çose pou dî,
(25) Guetté divant qui ou causé,
Si ou pas oulé tout doumoune y conné.
Zott conné comment doumoune y content bavardé.
Zamais n’a b’soin blié qui zoreil
N’a pas couvertî.] [87]

49

LES SINGES ET LE LÉOPARD

Si ou pas oulé gangne coude pié par déière resté ou dans ou p’tit coin.
P’tit poisson pas doite mâce èque ça qui gros. Noirs pas doite assise
La tabe blancs. Autroment ou a gangne malhè.
Zot conné ça y comme ça, mais zot faî comme si zot pas conné.
(5) Zot oulé prétend mâce gal gal èque blanc, zot pas oulé respect.
Ça fait touzou zot dans l’empayaze..
Ein zou, dans temps l’autrofois, banne macaque ti après zoué dans grand bois.
(Moi esplique zot ça race zoué là.) Eine doumoune y caciette son la figuî
Lô zounou son camarade; son coûpion y en l’aî; tous les autes y vine çaquin son tou
(10) Donne li ein p’tit calotte lô coûpion. Li li déviné qui cenne là. L’hè y manqué
Zot dî: "A faux." Tout le temps qui li pas nomme zisse y bisoin commence encô.
Ça en zoué qui faî rié… Macaques ti après grand rié, Tigue
Y tanne zot, y vini li aussi. Tout macaques y tayé. Tigue y dî zot: "Pas pè;
Doumoune y dî zot moi mo méçant, pa couâ ça zenfants. Laisse moi zoué,
(15) Zot a ouâ qui mangniè moi faî zot rié..." Macaque y dî: Vini...
L’hè toû Tigue y arrivé, Tigue y avancé, y donne Macaque ein coude griffe
Lô son déiè! Son cinq zongues y entré dans la vianne Macaque ou a dî
P’tit quiyèr dans bol la cremme. Son di sang y coulé! Macaque y dî:
"Ah yoyo! Ça pas fâce pou faî, ça!
(20) Si dans zoué ou faî comme ça, alorsse l’hè ou en colè,
Qui mangniè ou faî? Moi pas oulé ça mangniè zoué là,
Bonsoî, mo foulcan moi.

FIN.

REMARQUES SUR LA LANGUE DES FABLES


La langue des Fables de Rodolphine Young ne diffère pas beaucoup du créole seychellois actuel. La grammaire est fondamentalement celle décrite dans les ouvrages d’Annegret Bollée (1977) et de Chris Corne (1977), le lexique pour l’essentiel celui enregistré dans le Diksyonner kreol-franse de Danielle D’Offay et Guy Lionnet. Le lecteur attentif notera surtout les différences de vocabulaire, les différences grammaticales étant beaucoup moins apparentes.

La comparaison du vocabulaire des Fables avec le lexique actuel montre des phénomènes très nets de décréolisation : en général, là où notre texte présente des variantes de mots actuels, il s’agit de formes divergentes du français, tandis que le créole de nos jours présente des formes plus proches du français. Ceci concerne surtout les mots contenant un e instable. Baissac 1880, p. 109, donne la règle suivante : "E muet, au son de le, de, devient i et quelquefois ou. – Ex. demain, dimain ; chemin, cimin ; cheval, çouval ; genou, zounou", et dans Goodman 1964, p. 33, on lit :

ant. buzwe "besoin"
haїt. duvã "devant"
guyan. dòrò, maur. do(h)or "dehors"
guyan. somẽ, maur. some "semer"
maur. somen "semaine".

Le développement de [ə] (et de [œ], [y]) > [u], [o], est attesté, dans le texte de nos fables, dans les mots suivants :

l’autrofois (P,4 et passim)
gournouille (3,1 ; 3,16 ; 17,2)
promié (20,9)
çouval (20,25 ; 35,3)
rogrette (45,11)
autroment (49,3)
zounou (7,11)
sol(l)ement (16,8 ; 25,10), à côté de sellement (7,29)
douboute (21,18)
doumoune (P,19 ; P,21 et passim) à côté de dimoune (7,23) qui est plus rare.

La plupart de ces formes sont aujourd’hui tombées en désuétude ; les six premières ont été remplacées par lotrefwa, grenwiy ou grenouy, premye, seval, regret-e et (l)otreman [88]. Zounou existe encore à côté de zenou, solman à côté de selman, doubout à côté de debout et dibout, doumoun à côté de dimoun et dimonn. Mais les formes avec [o] et [u] sont considérées comme vieillies par les locuteurs de nos jours.

A part la série de mots discutés plus haut, il y a d’autres cas où notre texte présente des formes aujourd’hui considérées comme vieilles ou vieillies, et qui sont graduellement remplacées par des variantes "décréolisées". En voici quelques exemples (après le signe → nous donnons les formes enregistrées dans D’Offay/Lionnet) :

miré (P,17 ; 24,12) → mirmir-e "se plaindre tout bas"
solent (10,17) → ensolan "insolent, désagréable"
azord’hi (6,25 et passim) → azordi [89], ozordi, zordi "aujourd’hui"
acoute, -é (P,2 et passim) → akout-e, ekout-e, kout-e "écouter"
aspè, -éré (34,18) → asper-e, esper-e "attendre"
en gâ (22,25 ; 30,3) → pangar "prenez garde, attention" < prends garde
e(i)nque (11,11 ; 26,3) → nek "ne ... que, ne fait que".

Dans le cas de ouli seulement (26,31) → oli "où, où est", la forme attestée dans le texte est plus proche de l’étymologie française, où, lui.

Les structures grammaticales ne semblent guère avoir changé depuis le début du siècle ; le seul trait remarquable est la forme négative du verbe annan "avoir" : pas na (v. infra). En parcourant les Fables, nous avons noté les phénomènes suivants :

1. L’article indéfini

Selon Bollée 1977, p. 36, la forme de l’article indéfini serait en [ẽ]. Corne 1977, p. 12, constate que la forme usuelle est [ẽ], et que "Some speakers (older?) have a variant en [en] (becomes em before pti ‘little’) : en zom ‘a man’, em pti pei ‘a little country’. Most speakers consider en as a Mauritianism." Dans notre texte, la variante eine [en] est très fréquente, bien que moins courante que la variante ein [ẽ]. Les 50 premières attestations de l’article indéfini présentent 31 fois ein et 19 fois eine. Nous avons essayé de trouver une règle qui gouverne la distribution des deux formes, mais cela n’a pas été possible. Evidemment, elle n’a rien à voir avec le genre grammatical du nom en français, et les deux formes apparaissent dans tous les contextes phonétiques (p. ex. 1,1 : eine bel fômaze ; 5,5 : eine coude patte ; 3,5 : eine di zef ; 5,2 : eine le kêr ; 1,9 : eine mizicien). En ce qui concerne la remarque de Corne qui dit que ses témoins considèrent enn comme un mauricianisme – [en] est en effet la forme mauricienne de l’article indéfini [90] – on peut se demander si le créole seychellois ancien ne ressemblait pas sur plusieurs points plus au mauricien que le seychellois actuel. Nous reviendrons à cette question à la fin de ce chapitre.

2. Les pronoms personnels

Pour ce qui est des pronoms personnels, on remarque des divergences par rapport au créole actuel à la première, la deuxième et la troisième personne du singulier.

La forme de la première personne, cas sujet, est mo, comme en créole mauricien (v. Baker 1972, p. 71), et non pas mon comme de nos jours :

mo oulé (P,3) mo ti capab (1,5)
mo prend (P,7) mo menti (3,7).

Parfois, le pronom est écrit avec l’accent circonflexe : (p. ex. 1,10 ; 3,10) : étant donné que l’accent circonflexe marque, dans la graphie de Rodolphine Young, l’allongement d’une voyelle comme résultat d’un r qui ne se prononce plus, p. ex. :

foûmi môceauzoû mâce

on peut conclure que la graphie représente une prononciation avec o allongé.

Rodolphine Young observe systématiquement une distinction entre mo pronom personnel et mon adjectif possessif, distinction qui n’existe plus dans le créole actuel :

mon bouzois (P,1 ; 5,12)mon frè(re) (1,12 ; 4,4 ; 4, 6 ; 5,22)
Mo prend eine cârtié pou mon la fôce (6,22).

Il y a, toutefois, quelques exceptions :

mo la figuire (7,8) mo racine magnoc sec (9,17).

Ces exceptions trouvent une explication plausible dans l’hypothèse émise par Philip Baker (1982b, p. 778), qui croit que la distinction entre mo = pronom personnel et mon = adjectif possessif chez R.Y. est une distinction purement graphique et que la prononciation des deux morphèmes a toujours été identique. Etant donné que, dans d’autres cas aussi, R.Y. ne note pas la nasalisation progressive d’une voyelle précédée d’une consonne nasale, p. ex. :

ana (1,2 et passim) - D’Offay/Lionnet : annan
mâtin (1,6) - D’Offay/Lionnet : manten
nârien (2,7 et passim) - D’Offay/Lionnet : nanryen et naryen
moi (P,2 et passim) - D’Offay/Lionnet : mwan

l’hypothèse de Baker nous paraît tout à fait acceptable.

La forme complément est moi [mwã], comme aujourd’hui, et son emploi ne diffère guère de l’usage actuel. Elle est donc utilisée
- dans la fonction de complément "direct" ou "indirect" :

Zisqu’à bouique aussi, qui vine batte moi ! (24,16) "Bon ! dî moi qui faudrai faire Pou zott donne moi ça bon manzé la." (5,14/15),


- après les prépositions :

Bon Dié fine envoye ça pou moi mette en bas lé dents ! (10,7),


- comme pronom réfléchi :

Mo pas trouve moi vilaine (7,21),


- comme pronom disjoint :

Moi mo couâ comme ça (6,13) moi mo pas pè (8,7).

Contrairement à l’usage actuel, moi apparaît dans notre texte comme pronom sujet dans des phrases négatives, devant pas etn’a pas [91], p. ex. :

Moi pas oulé (5,25)
Moi pas content rôde rôde dispite (6,23)
Moi pas conné si soussouris ti fine boî (18,10)
Moi n’a pas papa (10,14),

mais R.Y. dit aussi très souvent mo pas, mo n’a pas (cf. 9,15 ; 10,15 ; 10,19 ; 14,9 ; 14,11). Un de nos témoins nous informe qu’il entendait encore mwan pa … dans le parler de sa grand-mère (morte en 1982 à l’âge de 80 ans), et que ses enfants se moquaient de cet usage de leur arrière-grand-mère [92].

Quelques occurrences de moi sont à interpréter comme la séquence mo + a (marque du futur) ou mo + ana (verbe "avoir") :

quand moi gangne môceau bon quéque çose, moi rande ou (2,4)
moi vini pli gros (3,13)
Coma moi na bonhè conne lir … (P,7)
moin na zistoî pou raconte zott (P,1)
Moin a eine bel la ké (7,9).

Pour la deuxième personne du singulier, la forme "normale" est ou, comme aujourd’hui. Cependant, dans les fables 10, 19 et 30, il y a quelques occurrences de to, toi (et ton pour le possessif), qui ont entièrement disparu de l’usage actuel aux Seychelles, mais qui subsistent dans le créole mauricien. Ce dernier connaît la distinction entre to = forme familière et ou = forme de politesse, attestée également dans notre texte. Dans la fable 10, c’est le loup ("supérieur") qui s’adresse à l’agneau ("inférieur") en utilisant to, mais l’agneau emploie la forme de respect ou ; dans la fable 19,15, c’est le chien – le plus fort – qui utilise to en lançant un défi au cochon qui est plus faible, et dans la fable 30, la chèvre mélange to et ou en parlant à son petit.

L’emploi de la forme complément dans la fonction de sujet, noté plus haut pour moi, s’observe aussi à la troisième personne, mais n’est, dans ce cas, pas lié à la forme négative, p. ex. :

Li ti zonne coma la peau limon (10,5)
li oblizé reinté ! (11,8)
Y pas ti gangne bôcoup l’âzent, mais li ti content (27,3)
Y d‘manne li qui li gangné (32,9).

Dans un cas, il s’agit de la mise en relief du pronom :

P’tit gâçon y decenne, li li monté (20,19),

mais dans les autres cas [93], nous sommes sans doute en présence de la vieille forme sujet li, en usage de nos jours dans le créole mauricien (v. Baker 1972, p. 72), et qui a été remplacée par i en seychellois.

3. Le verbe ana "avoir"

Le verbe annan "avoir" (i annan "il y a") du créole actuel se retrouve avec trois variantes dans le texte de Rodolphine Young : ana, na (n’a) et ène a [94]. Ana semble être la forme la plus courante, p. ex. :

quand servitè y ana quéque çose… (6,15)
Qui c’eine là qui ana pli gros lé dents ? (6,17)
Ça fômaze ti ana bon l’odêr ! (1,2),

mais la forme na (n’a) est aussi très fréquente dans notre texte :

Ein zoû eine Loulou qui ti na nèque la peau èque lé zo … (5,1)
Compère, ou n’a l’air moi bien vaillant (5,8)
… cot na bon manzé (8,14)
n’a dé quoi pou en colê (26,4)
y na femmes blanc (48,2).

Evidemment, quand na prend le sens de "il y a", il n’est pas obligatoirement précédé de y.

Na est la seule forme employée après pas [95], p. ex. :

ou pas na nârien pou manzé ? (2,7)
tout doumoune pas na memme bonhè (28,14)
Pas na eine qui trouve défaut lo son lé cô (7,25).

La forme ène a, qui est celle du créole mauricien (ena "avoir" et ena "il y a", v. Baker 1972, p. 101), n’apparaît que très rarement dans les Fables, et seulement dans le tour y ène a "il y a" :

dans tout pays y ein a malhè (P,13)
y ène a de quoi (7,15).

4. Les marqueurs prédicatifs

Le système verbal du créole de notre texte ne diffère pas, autant que nous voyions, du système actuel en ce qui concerne la fonction des marqueurs prédicatifs, p. ex. :

Zhomme qui ti fair ça zistoî-là… /Pas ti ein pecê crab (P,4/5)
tout ça qui zotte a dîr (3,13)
Si ou pas ti ein bouffon, ou pas ti a couâre ou ein famé zhomme, /Ou pas ti a sèye çanté, ou pas ti a laisse ou fômaze tombé (1,18/19)
Y pas ti douté, /Fâce qui Compè Rénà ti pou faîr li (12,7/8).

Il y a seulement quelques différences de forme notamment :

après, marqueur du progressif – (a)pe dans le créole actuel,
fine, marqueur de l’accompli – in, ‘n dans le créole actuel.

après, seule forme dont use Rodolphine Young :

eine cigale qui ti touzoù après çanté (2,1)
Ça zence là, y après sème malhè pou zot (8,6)

a complètement disparu de l’usage de nos jours.
fine [fin] est la forme de loin la plus fréquente, p. ex. :

Ou l’habit fine taille à la mode ! (1,7)
Compè corbeau ti fine coquin eine bel fômaze (1,1),

mais à côté d’elle, les formes modernes s’annoncent déjà dans quelques rares phrases :

L’hère tout grand tapaze ine passé (14,12)
L’hè ine fini, y demanne Loulou… (23,19)
moine décidé / Passe la zounée azord’hi nâien faî (26,4/5).

fin, forme très courante en créole mauricien (v. Baker 1972, p. 108), est aujourd’hui tombé en désuétude dans le créole des Seychelles, mais n’a pas entièrement disparu de l’usage.
Bollée 1977, p. 56, l’a relevé dans beaucoup de manuscrits de divers auteurs, et Corne 1977, p. 107, note qu’il l’a aussi entendu dans le parler d’une femme de 83 ans. Selon nos témoins, la forme fin est devenue très rare de nos jours.

Pour le futur, le créole actuel use de a, ava et pou. Selon Bollée 1977, p. 57, "a est la forme la plus courante, ava se trouve surtout (mais pas toujours) devant des verbes avec initiale a-. Va est catégoriquement rejeté par quelques témoins, mais plusieurs auteurs en usent dans leurs manuscrits, et nous en avons aussi quelques rares témoignages oraux" [96]. La variante ava est entièrement absente du texte de R.Y., par contre il y a quelques occurrences de va, qui existe aussi dans le créole mauricien (v. Baker 1972, p. 109). La forme la plus fréquente est a : nous avons compté, dans les fables 20 à 49, 82 occurrences de a, contre 9 de va (22 dans le texte entier [97]) et 4 de pou (6 dans le texte entier [98]).
Il est très malaisé de trouver des règles qui gouvernent l’emploi de ces trois variantes. Pou, contrairement à ce qu’en dit Bollée (loc. cit.), semble être la marque d’un futur défini, voire emphatique [99], cf. les exemples suivants :

Pas coma moi qui pou alle séyé "Ce ne sera (certainement) pas moi qui irai essayer [de mettre la cloche au cou du chat]" (15,13) ;
moi pas pou prend conseil èque pèsonne (20,43),

dit le meunier, énervé après tant de conseils contradictoires que les passants lui ont donnés.

Zot conné dimain nou pou alle dans poulayé (21,10),

dit le renard – c’est donc un plan bien arrêté, une décision qui ne sera pas mise en question.

Zenfants, acoute bien / Ça qui papa pou dî zott (36,12/13).

Le futur avec pou, dans cet exemple, introduit les derniers mots prononcés par le père sur son lit de mort et met en relief sa dernière volonté qui s’avère très avantageuse pour ses fils.

Pour ce qui est de l’usage actuel, "le locuteur créole seychellois semble en effet distinguer deux attitudes quant à la réalisation d’un procès futur :

- Il ne s’implique pas au niveau de la réalisation du procès. Il emploie alors a ou ava.

- Il se porte garant de la réalisation du procès. Il emploie alors pou" [100].

Dans le créole de nos jours, pou apparaît très régulièrement après pa, les occurrences de pa, pa ava étant très rares. Dans notre texte, nous avons relevé trois fois pas va, p. ex. :

Ou pas va embête moi encore (1,22)

et une fois pas a :

Zammais y pas a manz pitit hibou (38,11).

En ce qui concerne la distribution de va et de a, nous n’avons pu trouver aucune règle, si ce n’est qu’après un sujet nominal, a est toujours (sauf une seule exception 25,21) précédé de y (reprise du sujet) :

pié di bois y a tombé (22,16)
l’amoû y a faî li mô (25,13)

tandis que va, que Rodolphine Young semble avoir tendance à préférer après les sujets nominaux, n’est jamais précédé de la reprise du sujet :

la faim va faire zott mò (15,4)
la cloce va sonné (15,9)
coçon va sôti (22,8) [101].

Dans la combinaison des marqueurs du passé et du futur qui forment le conditionnel, nous lisons presque toujours ti a et seulement trois fois ti va, p. ex. :

Ou ti a capab visite li tous les zoû sans crainte volê. / Quand ou ti va besoin aceté quéque çose, ou pas ti va gangne la peine alle si loin. / Ou ti a trouve li proce lan memme (32,12-14).

Le futur dans le passé est exprimé par ti + pou, comme dans le créole actuel, p. ex. :

tout réna dans pays ti pou assemblé (21,6)

et l’accompli du futur par a + fine :

L’hè y a fine détè tout racine (22,16) quand moi fine tî tout lé dents (25,24).

5. La phrase négative

Quelques différences qui sautent aux yeux si on compare les fables de Rodolphine Young au créole moderne, concernent les phrases négatives. Il y a trois phénomènes dont il faut faire état ici : la négation du verbe ana, le négateur na pas, et le marqueur de l’impératif a pas.

a) La négation du verbe (a)na

La forme négative du verbe "avoir" est aujourd’hui napa, et cette forme est également fréquente chez R.Y., p. ex. :

Mo na pas ni zongue, ni lé dents (25,30)
l’hè bonhomme y vini, n’a pas l’âzent (32,7).

Mais à côté de ce tour où le négateur suit le lexème verbal, on trouve aussi, assez souvent, l’ordre inverse, na précédé du négateur, p. ex. :

Comment ça s’fait ou pas na nârien pou manzé ? (2,7) [102]
ça fait ou pas n’a l’aute métier ? (2,10)
Zott dî pas na cantrelle, qui ana la oua pli zôli qui ou (1,11)
Pas na quéque çose plis difficile (48,1).

Cet ordre des mots, selon nos témoins tout à fait impossible dans le créole actuel [103], se retrouve en mauricien : p’ena (< pa ena) "ne pas avoir, il n’y a pas" (v. Baker 1972, p. 106).

b) Le négateur na pas

Nous avons relevé quelques exemples où R.Y. emploie na pas (et na pli) au lieu de pas (et nepli) dans des phrases négatives, p. ex. :

Coma y ouâ l’aute n’a pas là … (47,14)
Y reponne : "N’a pas moi ! (27,18)
Na pas moi l’autè (33,11)
dé trois qui resté n’a pi ti capab sòti dans trou (15,3).

Ce négateur apparaît aussi dans le tour N’a pas là ! "Pas du tout ! Pas question !" (7,16 et 47,15), tour dont n’usent plus les locuteurs de nos jours. Napa comme négateur se retrouve, selon nos témoins, dans le parler de quelques vieilles personnes, mais est devenu rare, de même pour na p(l)i, qui a été remplacé par nepli (sauf dans le sens de napli "il n’y a plus"). Le créole mauricien a également gardé une variante napa du négateur, cf. Baker 1972, p. 106 : "A somewhat archaic variant of /pa/ is /napa/" [104].

c) Le marqueur de l’impératif a pas

Dans les fables 12 et 18, nous lisons :

Compè, allons, sans façon, a pas zenné, manzé (12,19)
"… ne vous gênez pas (ou : ne nous gênons pas), mangez"

A pa prend moi pou soussouris (18,8)
"Ne me prends pas pour une chauve-souris".

A pas comme marqueur de l’impératif n’existe plus dans le seychellois actuel, et Baker ne le mentionne pas non plus dans sa description du créole mauricien. On retrouve pourtant un marqueur semblable dans le créole haïtien, cf. Valdman 1970, p. 165-6 :

Apa paspò-m ou mandé-m ? "Didn’t you ask me for my passport ?"
Apa ou konnen palé kréòl ! "You sure do know how to speak Creole !"

Etant donné que nous ne pouvons pas encore proposer d’étymologie pour ce morphème, nous ne voulons pas nous prononcer sur une parenté possible entre seych. a pas et haït. apa.

6. Quelques conjonctions

pou

Bien qu’il ne s’agisse pas, dans ce cas, d’une divergence entre le créole ancien et le créole moderne, notons un emploi de pou qui n’a été enregistré ni par Bollée ni par Corne :

Pou coquin, pas n’a son maîte coma Rénà (16,4).

Cf. l’emploi de pour dans cette même fonction en français (aujourd’hui vieilli) :

Pour sauvage, vous l’êtes (Sainte-Beuve, v. Grevisse § 210).

Dans le créole de nos jours, on peut dire p. ex. :

Pou malen, Gabi i ganny lezot. (Marie-Thérèse Choppy)
"Pour intelligent, Gabi dépasse les autres."

Pou kouyon, i bat zot tou (id.)
"Pour imbécile, il bat tout le monde."

lé temps

Lé temps prend la valeur d’une conjonction avec le sens de "puisque" :

L’aigue, lé temps li eine zoizeau, [ti fine fair son la case] tout à fait la haut, dans brance (22,4).

ça fait

Ce tour, aujourd’hui tombé en désuétude, peut avoir la fonction d’une conjonction avec le sens de "c’est pourquoi", ou d’un adverbe interrogatif avec le sens de "pourquoi", p. ex. :

Ça fait loulou y dî li cien (5,7)
"C’est pourquoi le loup dit au chien"

Ça fait ou pas n’a l’aute métier ? (2,10)
"Pourquoi n’avez-vous pas d’autre métier ?"

si

Comme l’a noté Bollée (1977, p. 84) pour le créole actuel, si peut avoir la valeur de "que" :

Moi mo pas couâ si bon Dieu qui fine arranze ça comme ça (26,13)
"Je ne crois pas que c’est Dieu qui a arrangé cela de cette manière".

Conclusion

En conclusion, nous pouvons constater que, par rapport au créole seychellois actuel, le créole dont se sert Rodolphine Young est plus proche du créole mauricien – cf. les remarques que nous avons faites au sujet de l’article indéfini, des pronoms mo, to/toi et li, de y ène a "il y a", des marqueurs fine et va, de l’ordre des morphèmes pas na et du négateur na pas. Vu l’histoire du créole dans l’Océan Indien, ceci n’a rien de surprenant. Les recherches entreprises tout récemment par Philip Baker pour sa thèse de doctorat [105] l’ont amené à la conclusion

that, initially, Sey[chelles Creole] quite simply was Mau[ritian Creole] […] that speakers of Mau who were among early settlers in the Seychelles were able to transmit their language not only to their own children but also to immigrants from East Africa and/or their descendants ; that Sey is not the product of an independent period of pidginization within the Seychelles (1982b, p. 847).

Le créole seychellois s’est formé à l’Ile de France et a été importé aux Seychelles dès le début de la colonisation de cet archipel. Par la suite, le créole mauricien devenu seychellois s’est développé indépendamment du créole mauricien aux Seychelles, mais ne s’est pourtant pas beaucoup éloigné de sa langue sœur.


NOTES

[1] Zistoir ou zistoî? Le mot a été corrigé en zistoa et la graphie originale n’est plus lisible.

[2] Doite ete miré, corrigé en doit mimiré. La forme doit été (dwatet) pour ‘devoir, doit, devrait’ est très fréquente ; un verbe miré n’existe pas dans le seychellois actuel, mais cf. fable 24,12 : y pas ni miré. Miré est donc évidemment une variante du verbe actuel mirmir-e ‘se plaindre tout bas’.

[3] Ou pas na nârien est corrigé en ou na pas nârien par une autre main. V. « Remarques sur la langue », p.71.

[4] Morale ajoutée sur les feuilles à part.

[5] Mo ou ? L’accent circonflexe semble avoir été ajouté par la seconde main.

[6] Môceau est écrit môorceau.

[7] Morale ajoutée en marge des dernières lignes, par la main qui a corrigé le Prologue et Fables 1 à 7.

[8] Rié est écrit riyé.

[9] Dir ou dîr?

[10] Pauv est écrit Paûv, l’accent circonflexe est biffé par R.Y.

[11] Rie est écrit riye. Paye est biffé et remplacé par paille, selon toute apparence par R.Y.

[12] a est ajouté entre ti.et faire.

[13] Couâ est écrit couâr, voir aussi lignes 13 et 20.

[14] Le manuscrit porte fichi et A fôrce à fôrce.

[15] Le manuscrit porte re.

[16] Le manuscrit porte r et Loulou au lieu de Lion.

[17] Voir aussi lignes 20 et 21 : fort ou fôrt, corrigé en, probablement par la seconde main.

[18] Ou même est écrit où même.

[19] Lêr oua [sic] ‘le roi’.

[20] Le manuscrit porte rt.

[21] Enque [sic] = nèque, cf. 26, 3.

[22] est écrit r.

[23] L’hé est écrit l’hèr, voir aussi ligne 15.

[24] Couyè est écrit couyère.

[25] Quelques corrections ont été faites avec une autre plume.

[26] Sitinu est corrigé en sitini, par R.Y. ?

[27] Du miel est corrigé en di miel.

[28] Le mot zott est biffé

[29] Ouâ est écrit ouâr.

[30] Fai est écrit fair, voir aussi 19.

[31] L’amande est corrigé en amanne.

[32] Le manuscrit porte faîr (voir aussi ligne 4) et ouâr.

[33] Le manuscrit porte magnière

[34] Le manuscrit porte grand tapaze y ine passé.

[35] Le manuscrit porte couâr (voir aussi ligne 18) et r.

[36] Ouâ est écrite ouâr.

[37] Pou est écrit Pour.

[38] Eine est écrit Eeine.

[39] Aboyé est corrigé en aboié.

[40] Couâ : l’accent circonflexe se trouve sur le u.

[41] Variante de la « morale » sur les feuilles à part :
Quand Madame èque M’sié y dispite,
M’sié y vine tomme lô nous pou tî son la colè,
Lé dos nègue qui paye tout môvais zimè blanc.

[42] Morale ajoutée au bas du texte par une autre main, recopiée sur les feuilles à part.

[43] Moi est corrigé en mô par une autre main, voir aussi ligne 16.

[44] Morale ajoutée par une autre main en bas du texte et recopiée sur les feuilles à part.

[45] Quelques corrections, dont nous ne tenons pas compte, ont été apportées par une autre main.

[46] Contèr noâ: contraî negue sur la feuille à part.

[47] Morale ajoutée par une autre main au bas du texte et recopiée sur les feuilles à part.

[48] Quelques corrections, dont nous ne tenons pas compte, ont été apportées par une autre main.

[49] Eine est écrit Eeine, voir aussi ligne 37.

[50] Brancârd est corrigé en brancârd par R.Y.

[51] Gâaçon [sic, deux fois]. La graphie doit sans doute rendre l’allongement de la pénultième, trait caractéristique de l’intonation en créole.

[52] Faî ? Illisible à cause de la correction ultérieure (en ), peut-être faîre.

[53] Camârade est écrit camârade.

[54] Trois corrections, dont nous ne tenons pas compte, ont été apportées par une autre main.

[55] Fair ? Illisible à cause de la correction ultérieure (en ).

[56] Quelques corrections, dont nous ne tenons pas compte, ont été apportées par une autre main.

[57] Le manuscrit porte rhisse risse.

[58] Morale ajoutée sur les feuilles à part.

[59] Einque [sic] = nèque, cf. 11,11.

[60] Le manuscrit porte nécessaîre.

[61] Morale ajoutée sur les feuilles à part.

[62] Eine ést écrit Eeine.

[63] Quelques corrections ont été faites avec une autre plume (par une autre main ?).

[64] Le manuscrit porte caudiêre.

[65] Pot est corrigé en pott, voir aussi ligne 9 et 12.

[66] Zot est corrigé en zott.

[67] Nous.

[68] Inpé est corrigé en einpé.

[69] Zot dé zot est corrigé en zott dé zott.

[70] Fond di ló est corrigé en fond di lõ.

[71] Hain est corrigé en zain par R. Y.

[72] Morale ajoutée sur les feuilles à part.

[73] Ein est écrit Eeine.

[74] Le manuscrit porte occipé oquipé.

[75] Ein est écrit Eeine, voir aussi ligne 8.

[76] Le manuscrit porte y dî li.

[77] Mêlne est corrigé en mêrne.

[78] Eine est écrit Eeine.

[79] Einque = nèque, cf. 26,3.

[80] Morale rajoutée sur les feuilles à part.

[81] Morale rajoutée sur les feuilles à part.

[82] Eine est écrit Eeine.

[83] Maladie est corrigé en malade avec une autre plume. Nous conné est écrit ns conné.

[84] Ein est écrit Eein.

[85] Vagabond est corrigé en vacabond par R.Y.

[86] Le manuscrit porte provêrbe.

[87] Morale ajoutée sur les feuilles à part.


NOTES PORTANT SUR LES REMARQUES


[88] Les graphies sont celles du dictionnaire de D’Offay/Lionnet. Nous utilisons les graphies de ce dictionnaire aussi dans les pages qui suivent pour toute référence au créole actuel.

[89] Du moy.fr. et fr. dial. à jour d’hui, v. FEW 4, 448a.

[90] V. Baker 1972, p. 77.

[91] Il n’y a qu’un seul exemple de moi dans une phrase affirmative, 23,18 : Moi ti oublié dî...

[92] Nous tenons à remercier ici Madame Marie-Thérèse Choppy qui nous a beaucoup aidés lors de la rédaction de ce chapitre et dont les témoignages sur le créole actuel nous ont été très précieux.

[93] Voici les autres occurrences de li comme sujet : 22,2 ; 22,4 ; 26,26 ; 38,7 ; 42,2 ; 42,7 ; 42,8 ; 45,8 ; 46,2. On note que plusieurs fois li apparaît après le pronom relatif qui.

[94] Pour ce qui est de l’absence de nasalisation dans la graphie, v. le paragraphe précédant.

[95] V. le § 5 pour les phrases négatives.

[96] Marie-Thérèse Choppy affirme qu’elle n’a jamais entendu va.

[97] Voici toutes les occurrences de va : P,9 ; P,13 ; P,14 ; 1,22 ; 7,4 ; 8,8 ; 13,18 ; 13,19 ; 14,6 ; 15,4 ; 15,9 ; 16,9 ; 17,9 ; 22,8 ; 22,25 ; 25,12 ; 25,14 ; 26,32 ; 32,17 ; 34,15 ; 39,14.

[98] Voici toutes les occurrences de pou : 7,30 ; 15,13 ; 20,43 ; 21,10 ; 36,13 ; 44,13.

[99] Cf. Baker 1972, p. 110, pour le sens de pou en mauricien.

[100] Communication personnelle de Gabriel Tarlé, qui, avec l’équipe de la Seksyon Kreol du Ministère de l’Education et de l’Information, a fait des recherches sur l’emploi des marqueurs prédicatifs en créole seychellois.

[101] Notons aussi 16,9 : Son lend’main va manque eine ; 32,17 : Va la memme çose pou ou (début de phrase) ; 34,14/15 : Ou a vanne moi èque grand blanc / Va paye moi çer.

[102] Celui qui a ultérieurement "corrigé" le texte, a biffé pas n’a et écrit na pas au-dessus. V. plus haut p. 56.

[103] Corne, cependant, a relevé des exemples, v. 1977, p. 173 : "The most usual form is napa […] The other possibility is pa + ana, which is less common than napa. Indeed, pa + ana can always be replaced by napa, but the reverse is not true. In all cases, there does not appear to be any difference in meaning. Again, there is disagreement among informants."

[104] En ce qui concerne l’historique du négateur napa dans le créole mauricien, v. Baker 1982a, p. 222-4.

[105] The contribution of non-Francophone immigrants to the lexicon of Mauritian Creole, thèse soutenue en 1982, et dont M. Baker a bien voulu mettre le manuscrit à notre disposition. Qu’il trouve ici l’expression de notre reconnaissance.